Extrait du journal

Il serait utile de connaître l'impression véritable et surtout l'impression définitive qu'a produite sur le gouvernement tunisien l'occupation de Bizerte. Mais on ne pourra en juger que d'après la conduite ultérieure du bey. Chez les Arabes, la parole n'est pas l'expression de la pensée, et elle ne permet pas de prévoir l'action. 11 est très possible qu'en apprenant le débarquement à Bizerte, le premier ministre Mustapha ait dit, comme l'affirme une dépêche « Nous n'avons plus d'autres ressources que de faire prêcher la guerre sainte à Kairouan » et qu'il ait agi en conséquence. Il n'y a non plus rien d'étonnant à ce que, presque en même temps, Mustapha ait déclaré au correspondant d'un journal de Paris qu'il aimait beaucoup la France, et qu'au sujet de l'affaire de Bizerte, il ait dit seulement « Cette occupation semble prouver que la France a des intentions belliqueuses contre la Tunisie. M Cette diversité de langage peut s'expliquer par cette réflexion qu'aurait faite après coup le ministre, que le débarquement à Bizerte n'est pas dirigé contre le bey, mais contre les Kroumir, et que la proclamation de la guerre sainte mettrait en danger l'existence même du gouvernement du bey. Une autre explication, tout aussi plausible, serait la duplicité habituelle de la politique orientale. On ne voit donc pas clairement la vraie pensée du gouvernement tunisien et, si l'on connaissait avec certitude celle d'aujourd'hui, on ne pourrait pas en conclure quelle sera celle de demain. En outre, les actes sont aussi contradictoires que le langage....