Extrait du journal
garçon, et je le disais en riant, sans me faire une idée de cette torture infligée à tous les pè res en herbe d’être obligés d’adorer pendant de longs mois un enfant sans sexe. Mais quand je m’imaginais les avoir amenés par bonheur à laisser en paix ma pauvrette, il ne manquait jamais de se présenter un penseur plus habile que moi, qui suggérait à ma femme le meil leur moyen de contenter le grand-père et la marraine : — Donnez-nous la paire — lui disait-il — pendant que vous y êtes. Entre quatre yeux nous aurions bien ri de l’erreur de ces bonnes gens s’il ne nous était venu un scrupule. Nous nous crûmes obligés de l’attendre, la pauvre petite créature qui, par force, devait venir avec les violettes, d’en par ler quelquefois comme si nous y croyions, ne fût-ce que pour ne pas avoir l’air de la repous ser des embrassements du père et de la mère. L’arithmétique du professeur commença à nous servir à nous aussi, mais sans soucis ni frayeur. Nous disions : Les violettes viendront avant lui, et nous étions déjà résignés à le voir venir avec le muguet et les cerises. Et à chaque mois qui passait, pendant que nous lisions le découragement sur la figure de mon beaupère, la tante Simplice, les parents, les amis et les amies, avec toutes les grada tions de la pitié et de la miséricorde, nous faisaient comprendre que nous étions deux bons à rien. Les violettes vinrent, les muguets vinrent, n’apportant autre chose que leur parfum; puis vinrent les cerises, mais, hélas ! toutes seules. Ce fils, qui ne se décidait pas à naître, trou blait déjà notre paix ; je voyais bien que sous le rire allègre de ma femme se cachait une an goisse secrète, et souvent je ne réussissais pas à chasser avec mes baisers les nuages de son front. Parfois, la surprenant assise dans un coin, courbée sur sa couture, mais sans faire un seul point, les yeux fixés à terre, je m’en approchais tout doucement, je la baisais sur le cou ; elle tressaillait, puis me disait : — Méchant ! — parce que je lui avais fait peur, et, pour finir, me montrait son visage souriant. Mais quoi qu’elle fît ou qu’elle dît, je devinais une larme dans ses bons yeux, et dans son doux sourire je voyais encore une pensée fugitive et chagrine. Laquelle?...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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