Extrait du journal
Ils nous paraissaient tout ensemble bien hardis et bien, heureux. Nous. étions tristement résignés à douter, « à ne pas savoir ». Et voilà que, tout d’un coup, sans « savoir » en core tout ce qu’il faudrait pour nous affranchir des plus cruelles perplexités, nous connaissons un fait, un fait lamentable, qui est, jusqu’à présent, le seul atome de vérité « prouvée » perceptible dans toute, cette affaire, mais un fait dont les conséquences vont à l’infini. Gomment est-il venu à notre connaissance, ce fait haïssable et révélateur? A-t-il fallu beaucoup do temps, des efforts soutenus, des circonstances par ticulièrement propices ? En aucune manière. Les circonstances ôtaient ou semblaient être les plus désavantageuses qu’on pût imaginer. Et le hasard d’un travail de nuit, à la clarté de la lampe, a mis sur la voie de la découverte qui devait conduire à l’aveu. Ainsi, rien ne s’est produit de ce que notre courte sagesse avait posé comme autant de condi tions indispensables à la manifestation de la vérité. Et pourtant, nous sommes fondés à espérer que la vérité tout entière va se faire jour. Quelle confusion pour l’orgueil de notre pensée ! Et combien stérile, combien décevant tout le travail dépensé à nous fournir à nous-mêmes des raisons de ne pas être trop confiants, de ne pas nous laisser aller trop vi vement du côté où nous poussaient l’instinct moral, et la réflexion ! . Ce n’est pas tout. La supériorité de l’action sur le raisonnement éclate aussi dans cette rencontre. Le raisonnement tendait à rendre beaucoup de gens pas sifs et un peu inertes dans, leur protestation tout in térieure. Trop d’obstacles surgissaient devant eux. Trop de bons arguments militaient contre les meil leurs d’entre leurs arguments... S’il n’y avait pas eu quelques hommes d’action pour susciter et entrete nir une agitation, meurtrière par bien des côtés, mais inspirée par les plus nobles sentiments, il est à peu prés hors de doute que l'officier qui s’est rendu cou pable du crime do faux eût emporté son secret avec lui dans la tombe. Par là se trouvent justifiées, non. les polémiques excessives et passionnées, ni les violences, ni les injures, mais les initiatives en apparence téméraires et vouées à l’insuccès. Ne nous fions pas trop aux facultés discursives. Le raisonnement mériterait d’être appelé, comme Jupiter, dans Homère, « assembleur de nuages ». Il évoque et rabat sur notre tête tous les motifs plau sibles,- logiques, de doute et d’abstention. Il nous enveloppe d’une atmosphère où les faibles puis sances d’action qui nous ont été départies ne peu vent pas respirer et vivre. Elles sont étourdies, d’abord, puis elles chancellent, puis elles périssent. Il faudrait, sitôt que l’on perçoit les symptômes de cet alanguissement, s’affranchir, se racheter par un effort énergique, non de pensée, mais de vouloir. Le réel n’est, en somme, que du possible qui a été voulu et effectué. ■ ♦ LA DEMISSION DE M. CAVAIGNAC - (Dernières nouvelles):...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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