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Le Temps, 6 juillet 1883

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Le Temps
6 juillet 1883


Extrait du journal

té de protester contre des doctrines qu'il qualifiait de jacobines;ils'estattaquéaucabinet où siègeut côte à côte les opinions les plus opposées, et au parti whig qui, selon lui, a abandonné ses traditions, se laisse entraîner aujotiF#&Hi' par des alliés dans lesquels il n'a point de confiance et dont il n'ose se dégager. Eu s'exprimant ainsi, le imrquis de Salisbury touchait aux points vifs de la situation, le rôl« des vieux partis historiques, le manque d'homogénéité dans les rangs de l'opinion libérale, et enfin l'altitude et la conduite de M. Gladstone comme chef d'un ministère et d'un parti composé d'éléments divers. La vérité est que M. Gladstone est le lien qui unit pour le moment ces éléments disparates, mais qu'il faut pour cela son immense ascendant personnel, et que, en dépit de son autorité et de son prestige, on sent d(5jà les rapports se tendre, l'édifice craquer. Il est impossible que M. Gladstone luimême ne soit pas inquiet d'une situation qui paraît souvent sur le point de le déborder. Le Punch, ce spirituel produit de la caricature anglaise, où s'allie tant d'esprit politique à tant de finesse de crayon, nous montrait l'autre jour le premier ministre sous la figure d'une poule qui a couvé des canards; éperdue au bord de l'eau, elle rappelle le jeune Morley, lequel, le monocle dans l'œil, ciugle joyeusement vers des rives inconnues « Reviens, petit, reviens, s'écrie-t-elle; au nom du ciel, où va-t-il? » Eh! 1 oui, où va-t-il? Mais le moyen de l'arrêter? et, ce qui est pire, le moyen de ne pas le suivre? L'extension du suffrage, l'organisation des comités électoraux, le suffrage généralisé et qui a pris conscience de lui-même, tout cela a changé les conditions du pouvoir en le faisant dépendre, en dernière analyse, de la volonté des masses. L'Angleterre est dominée aujourd'hui par le radicalisme, parce que le gros des électeurs appartiennent à la classe moyenne et que les classes d'une culture inférieure sont naturellement portées aux idées absolues. Les partisans le? plus nombreux du gouvernement actuel, la colonne vertébrale du parti libéral, ainsi que l'a appelée M. Gladstone, ce sont les non conformistes, c'est-à-dire le personnel des nombreuses sectes étrangères ou hostiles à l'Eglise établie, une bonne bourgeoisie, rangée, honnête, utilitaire, aux instincts généreux et aux vues étroites, dédaigneuse du passé, complètement dépourvue, cela va sans dire, de ce qu'on appelle l'esprit politique, ardente aux innovations qu'elle a appris à confondre avec le Iprogrès. M. Chamberlain s'entend admirablement à flatter ces instincts, à satisfaire ces entraînements. Mais M. Gladstone y est moins habile. Avec cinquante années d'expérience parlementaire, une vie entière passée dans des conditions politiques si différentes, il se sent nécessairement dépaysé au milieu de ses nouveaux sectateurs. Ou nous nous trompons fort, ou il doit soupçonner par moments qu'un parti qui n'est pas véritabiement le sien se sert de lui comme d'une enseigne et d'un instrument, qu'on profite de spn prestige pour préparer un ordre de choses auquel il n'est nulleoent converti. La poule reconnaît que sa couvée est d'une autre espèce qu'elle. Il était curieux d'entendre l'autre jour, à la Chambre des communes, le vieux chef répondre à une proposition de sir John Lubbock. Celui-ci réclam >it la formation d'un ministère de l'instruction publique. Il obéissait en cela à la tendance moderne spécialiser les services et mettre à la tête de chacun un administrateur dont le Parlement contrôlera les dépenses et les actes. Quant à l'office proprement politique des membres d'un ministère ainsi composé, on ne s'en inquiète guère, la politique, dans cet ordre d'idées, étant dictée par le Parlement. Ce n'est pas ainsi que l'entend M. Gladstone. En homme de gouvernernent il regarde avant tout à la composition du cabinet, à la part qu'il convient d'y faire à l'une et l'autre des deux Chambres, à la nécessité, sans doute, aussi d'y représenter les diverses nuances du parti qui pour l'heure a le dessus. Sans parler de l'unité à maintenir entre tous ces collègues. Bref, les choix sont difficiles, et il y avait, aux yeux de ce premier ministre expérimenté, les plus graves inconvéuieuts à augmenter le nombre déjà trop grand des membres du cabinet. 11 était intéressant, nous le répétons, de voir ainsi aux prises les préoccupations si opposées de deux conceptions gouvernementales différantes, l'ancienne et la nouvelle, la constitutionnelle et la démocratique....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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