Extrait du journal
— Vous voyez, leur dit-il en substance, où j’en suis et où vous en êtes. Vous ayez perdu la partie ; demain j’entrerai dans Milan, je raserai la ville, je passerai les habitants au fil de l’épée; je vous offre un moyen de vous sauver, vous, vos biens et votre patrie : livrez-moi Isora comme otage; je prétends en faire la dame d’honneur de la duchesse. Voilà la proposition. Mosca et Mastaï la trou vent très acceptable. Ces braves gens ne sont pas des héros ; héroïque n’est pas le langage que l’auteur leur met dans la bouche, et Jahan et Duparc, qui jouent les deux rôles, accentuent encore par leur mine piteuse cette absence d’héroïsme. Vous comprenez qu’Olgiati se re biffe. C’est au prix de son honneur que serait achetée cette paix honteuse. Il l’emporte ; on n’accepte point le marché. Mais la question est désormais posée. A l’acte suivant, nous apprenons que Galéas a pris Mi lan, qu’il a jeté en prison tous les chefs de la noblesse, qu’il a menacé de les faire périr tous et de raser Milan, si on ne lui livre enfin Isora. Car Isora n’était plus dans la ville quand elle a été prise. Son mari l’avait par prudence envoyée dans une petite maison ignorée au bord de la mer. Mais, cette fois, il n’y a plus à reculer; le tyran, lui, ne transigera pas. Il faut que le mari et la femme cèdent ou Milan sera détruite et la population exterminée. Eh bien ! la situation une fois donnée, quelle est la scène à faire? C’est évidemment la scène entre le mari et la femme. Que vont-ils se dire? Ça, je n’en sais rien, moi qui ai assisté aux premiers actes. Mais fi y a une chose que je sais bien, c’est qu’il faut qu’ils s’expliquent. Si le mari est plus mari que pa triote, il faut qu’il donne ses raisons et de même s’il est plus patriote que mari. Si la femme a plus d’amour pour son époux que de compas sion pour les gens qu’elle a elle-même soulevés et armés, il faut qu’elle nous ouvre le secret de ces sentiments et de même si elle a l’affreux courage de se sacrifier pour les arracher à la mort. Moi, spectateur, c’est la scène que j’attends; il me la faut, je la veux, parce que c’est la scène à faire. Là-dessus Aderer me répond : « Mais vous n’y pensez pas; ce ne sont pas des choses à dire; un mari en cette situation court risque d’être ri dicule ou odieux; une femme débattant cette alternative avec son époux inspirera l’horreur ou la moquerie. » — Tout cela ne me regarde pas, mon ami. Vous étiez parfaitement libre de ne pas choisir ce sujet-là, de ne pas jeter vos personnages dans cette situation. Mais du moment que vous l’avez fait, vous n’êtes plus libre, non, vous ne l’êtes...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - aderer
- pécaut
- goblet
- berger
- dorsy
- audran
- picard
- olgiati
- sardou
- andré lebon
- france
- japon
- majunga
- paris
- allemagne
- langres
- russie
- espagne
- berlin
- angleterre
- école primaire
- la république
- sorbonne
- union postale
- conseil d'etat
- assistance publique
- h. m.