Extrait du journal
politique ; le langage du prédicateur, le chant de la maîtrise, la musique des orgues, un can tique, une prière, que sais-je? Gela dépendra de la température et de son humeur. Et puis voilà une doctrine au moins singu lière ! Chaque citoyen aura le droit de protes ter?... Mais n’est-ce pas proclamer le droit de se faire justice soi-même ? et ce droit n’apparaît-il pas comme la négation non seulement de tout gouvernement, mais de tout ordre so cial? Si chaque individu peut empêcher par la violence ce qui lui déplaît, à quoi bon des tri bunaux, des magistrats? à quoi bon des lois? Nous vivons en France sur de vieilles for mules qui, pour être devenues affreusement banales, n’en sont pas plus raisonnables. Ainsi, so.us prétexte qu’au théâtre siffler Est un droit qu’à la porte on achète en entrant, un grincheux ou un mauvais plaisant pourra troubler le plaisir de quinze cents personnes qui ont payé, elles aussi, pour s’amuser tranquille ment! Va-t-on admettre maintenant que, dans les églises, où, d’abord, on entre sans payer et où, ensuite, nul n’est forcé d’aller, une douzaine de révolutionnaires aient le droit d’interrompre les exercices du culte et de tout briser si la voix ou le nez d’un prêtre ou d’un fidèle ne leur re vient pas? Etrange libéralisme, il faut l’avouer ! Quand donc comprendra-t-on que la vraie li berté, la seule digne d’ùn pays démocratique, c’est la liberté... de tout le monde et qu’il faut saisir au collet quiconque a l’audace d’y mettre obstacle. Depuis plusieurs années, les commissions fi nancières ne cessent de regretter, tant au Sénat qu’à la Chambre, la disparition du chapitre V destiné jadis à assurer, dans notre budget, un certain amortissement. Il ne se pouvait pas que le ministre des finances ne fût pas touché de ces regrets. On a vu comment, dans son projet de budget pour l’exercice 1893, M. Rouvier a . déféré au vœu qui était exprimé. Le chapitre \ est rétabli. Une dotation,encore bien faible sans nul doute, y figure : elle ne dépasse pas 36 mil lions et demi. Sur cette somme, il n’y a même que 22 millions et demi affectés réellement à un amortissement : le surplus du crédit doit servir à payer les intérêts des obligations à court terme restant en circulation. Quand la totalité de ces obligations aura été remboursée, alors seule ment les 36 millions et demi seront intégrale ment appliqués à une réduction de la dette. Mais rien n’empêche les Chambres de grossir cette allocation, si elles estiment que les re cettes budgétaires permettent de le faire. Ce n’est qu’une question de ressources disponibles. On aurait pu s’attendre à ce que la nouvelle commission du budget s’efforçât de relever la dotation admise par M. Rouvier. 11 fût resté au ministre des finances l’honneur de la restau ration du chapitre V, mais la commission aurait eu celui de le pourvoir largement. Quelle n’a pas été notre surprise, en constatant que tout autres semblaient être les tendances de cette commission ! Si l’on en devait juger d’après les, discussions auxquelles elle s’est livrée jusqu’ici, elle serait portée à critiquer, dans le chapitre V actuel, non pas la modicité du crédit proposé par le ministre, mais l’inutilité de ce crédit. Il faudrait, non pas l’accroître, mais le suppri mer. Hostilité contre le principe de l’amortisse ment ? Défiance plus ou moins motivée contre une surcharge dont les contribuables peuvent souffrir et qu’il est bien facile de leur épargner? Nullement. Du moins, on n’a pas lieu de le croire : il ne paraît pas que cet ordre de consi dération ait été même effleuré. Mais voici ce qui a été dit : « On n’amortit pas pendant qu’on emprunte. Or, l’Etat continue d’emprunter : d’une ma nière directe, pour renouveler une partie des obligations du Trésor ; d’une manière indirecte, pour ses travaux de chemins de fer. Donc l'a mortissement ne serait qu’un leurre. Dimi nuons nos emprunts, mais ne créons pas de chapitre V. » Ce raisonnement a fait une vive impression. A peine, pourtant, s’il est spécieux. Une compagnie de chemin de fer construit une, ligne, et, pour en amortir le capital, elle s’im pose de rembourser chaque année un nombre déterminé d’obligations; pourra-t-on dire que cet amortissement est inutile ou qu’il est fac tice, parce que cette même compagnie voudra contracter un emprunt pour de nouveaux tra vaux? Toutes les compagnies de chemins de fer agissent ainsi, pour ne parler que de ces sociétés, et il n’en est pas une qui croie se li vrer à une opération financière défectueuse. Le passif éteint par l’amortissement est bel et bien éteint, et si une dette nouvelle prend naissance, c’est qu’un nouvel actif est constitué. On peut parfaitement amortir tout en empruntant. Dans le cas présent, la situation est bien plus simple encore. A quoi sont destinés les 22 mil lions 1/2 que le chapitre Y comprend pour l’amortissement? Ils sont destinés à rembour ser une somme égale d’obligations à court terme. Supposez cette dotation supprimée, qu’arrivera-t-il? Les obligations n’en viendront, pas moins à échéance. Il faudra bien les rem bourser. Mais le crédit de 22 millions 1/2...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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