Extrait du journal

La grand'chambre de la Cour de cassation, dont nous donnons la description dans une autre partie du journal, a été inaugurée à une heure en audience solennelle, toutes chambres réunies. Le garde des sceaux, M. Ricard, assistait à la cérémonie, assis à la droite de M. le premier prési dent Mazeau. Elle a été fort courte. M. le greffier en chef Ménard a donné lecture de la lettre du ministre de la justice annonçant que la nouvelle grand’chambro était, à partir du 3 avril, à la disposition de la cour, qui pouvait en prendre possession. Puis M. le premier président a prononcé une allo cution dans laquelle, après avoir remercié les pou voirs publics et rendu aux architectes et. artistes qui ont collaboré à l’édification de la salle et à son ornementation l’hommage qui leur était dû, il en a sommairement énuméré les splendeurs.On a prétendu.— a-t-il poursuivi — que par la pro fusion des dorures elle affectait un caractère mon dain peu conforme à la gravité de sa destination. Les années ne tarderont pas à désarmer cette critique. L’artiste a sans doute rêvé son œuvre telle qu’elle apparaîtra à nos neveux, lorsqu’elle sera revêtue de l’harmonieuse patine du temps'/ N’a-t-il pas, du reste, obéi à la tradition ? L'auteur des Antiquités de Paris, Duchêne, nous ap prend que, • dès saint Louis et Philippe le Bel, la grand’chambre du Parlement — dont vous avez hé rité — « était lambrissée de culs-de lampe dorés et vermillonnés ». • Louis XII en avait couvert la charpenté d’azur et d’or « de ducats de Hollande », si bien qu’elle avait reçu le surnom de « Chambre dorée », surnom qu'elle conserva jusqu'à la Révolution, avec le luxe dont l'avait dotée la monarchie. Ici M. Mazeau rappelle l’histoire de l’ancienne grand’ chambre. Cette salle, qui se dressait sur l'emplacement actuellement occupé par la première chambre de la cour, a été, comme on • sait, détruite par les incendies de la Commune. Celle-ci — dit en terminant M. le premier président — n'a pas d’histoire. Vous l’écrirez par vos arrêts. C'est par eux — comme l'a dit un de nos anciens — que la cour régulatrice vit, se manifeste et iirvprime à la jurisprudence la direction et l'enseignement en vue desquels elle a été instituée. Vous l’écrirez aussi par ces travaux individuels, consacrés au droit, à la littérature, à l’étude des plus graves problèmes sociaux. Ils ont distingué un grand nombre de nos devanciers et sont aujourd'hui encore l'honneur de plusieurs d'entre vous, l’orgueil et com me le patrimoine de notre compagnie. Puisse cette chambre ne jamais connaître de tra giques journées ; puisse-t elle n’acquérir d'autre célé brité que celle qui appartient aux magnificences de l’art et aux lieux où la justice accomplit sa tâche la plus élevée! , Et puissions-nous toujours, nous et nos successeurs, sous l’égide d’un gouvernement tant de fois acclamé par le pays, remplir dans le calme et la paix la mis sion confiée par la République à notre droiture et à notre dévouement! Le garde des sceaux a ensuite rémis la croix de chevalier .de la Légion d’honneur à M. Paul Blondel, architecte, grand prix de Rome de 1876, hors con cours, qui a terminé les travaux, comme nous le rappelons plus haut. Et l’audience solennelle a été suspendue. Elle a ôté reprise pour l’examen d’un pourvoi....