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Le Temps, 8 avril 1894

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Le Temps
8 avril 1894


Extrait du journal

s’en aller travailler dans ses coins préférés de montagne, elle venait tirer l’aiguille à côté de sa bonne amie. Les premiers jours, cela intrigua Bernadou qui s’était imaginé qu’elle donnait là le rendezvous au galant. Une fois qu’elle y était depuis longtemps, il n’y put tenir et entra demander à la Guide son marteau pour enfoncer un clou, disait-il, ayant égaré celui de sa sœur, ce qui lui attirerait, quand elle s’en apercevrait, une grêle de coups. " Pendant qu’il leur faisait ce conte, son œil fu retait dans les coins, et, comme le marteau se trouvait au jardin dans une soupente, il offrit, pour ne pas les déranger, d’aller le prendre luimême, ce qu’il fit en ayant soin de bien regar der dans tout le jardin s’il n’y avait pas d’hom me caché. Même avant de se décider à sortir, il feignit d’admirer dans l’alcôve un crucifix en plâtre pendu au-dessus du bénitier, le trouvant plus beau que celui de l’église, qui avait, di sait-il, une tête si drôle ; cela pour regarder derrière les rideaux blancs tirés devant le lit. Il s’en alla convaincu qu’il n’y avait rien. , Néanmoins, les jours suivants il changea d’observatoire. Il s’agissait maintenant de sur veiller plutôt la maison de la Guide pour s’as surer qu’il n’y entrait aucun homme. Mais chaque fois il s’en retournait bredouille. Quant à la Janou, à force de surveiller le sur veillant, elle n’était pas loin de deviner l’énigme; et, en silence, elle jubilait de penser que cer tainement un piège était tendu à Miquette et que, si on la prenait à la souricière, elle serait la première à voir et à jouir. Quant à la pauvre enfant, elle ne se doutait guère de ce qui se tramait autour d’elle. Chaque jour se développait en son être le germe qui, si longtemps, y avait dormi. Elle étaitdonc aimée ! Et cette idée, nourrie par la réflexion solitaire, lui enveloppait l’âme d’une infinie caresse. Dou cement elle se laissait aller à la pente du rêve, et chaque soir elle s’endormait moelleusement sur la même pensée. Parfois la parole de la Guide la réveillait comme en sursaut, et elle rougissait comme si elle eût été surprise en faute. Alors son secret lui montait aux lèvres, comme un trop-plein débordant. Elle aurait eu plaisir à faire part de son bonheur à l’amie \ mais une invincible pudeur refoulait toute con...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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