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Le Temps, 8 juin 1895

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Le Temps
8 juin 1895


Extrait du journal

LE MEMORANDUM DE CONSTANTINOPLE Le texte du mémorandum remis le il mai dernier par les ambassadeurs des trois puis sances à la Sublime-Porte vient d’être publié ainsi que le projet de réformes administratives à introduire dans les vilayets arméniens d’Ana tolie. Les cabinets de Paris, Pétersbourg et Londres avaient à choisir entre deux modes distincts d’action : ils pouvaient se borner à formuler les deux ou trois points essentiels sur lesquels de vait porter, d’après eux, l’initiative réformatrice du sultan, ou bien ils pouvaient rédiger tout un code détaillé et minutieux de l’administration provinciale. En d’autres termes, ils pouvaient opter entre une sorte de Déclaration des droits réduite au strict minimum et une Constitution développée, se déroulant ad infinitum sur le modèle de celles que votèrent jadis nos grandes assemblées révolutionnaires. On ne saurait se dissimuler qu’a priori il eût semblé de tout point préférable de s’en tenir à l’édition concise, au bréviaire des réformes. Emile de Girardin souhaitait avec quelque ap parence de raison que la France se contentât d’une constitution en raccourci qui aurait tenu au large sur le revers d’un écu de cent sous. Les Decalogues, dans leur imperatoria brévitas, ont plus de chances d’être observés que les Deutéronomes ouïes Lévitiques dans leur ampleur. A combien plus forte raison quand il s’agit d’im poser tout un ensemble de restrictions gênantes a un souverain absolu qui est en même temps chef dé religion. Les puissances se seraient incontestablement fait la tâche plus facile en se bornant à appeler l’attention de* la Porte sur le petit nombre des réformes indispensables ; mais il est à croire que, d’une part, elles ont voulu suivre le précé dent du statut organique de la Roumélie orien tale, peut-être même mettre à profit la minute d’un projet élaboré vers 1880 en vertu de l’arti cle du traité de Berlin par la commission inter-, nationale, et que, d’autre part, elles ont voulu, par l’abondance même et la précision des dé tails, prévenir toute échappatoire et enchaîner la Turquie, non pas à des généralités vagues, mais à des obligations précises et positives. Quoi qu’il en soit, une fois ce parti pris, il ne restait plus qu’à en poursuivre avec vigueur l’adoption par le sultan. C’est ce qu’ont fait avec une remarquable unanimité les ambassadeurs des trois puissances. Il semble que le seul fait de voir dans toute cotte campagne diplomatique la France flanquée non seulement de l’Angle terre à sa gauche, mais de la Russie à sa droite, devrait exercer une influence déterminante sur la Porte et eh même temps rassurer ceux des critiques de la politique de M. Hanotaux dont la bonne foi est encore accessible aux arguments. Ce n’est pas l’une des moindres difficultés du gouvernement à une époque où la démocratie coule à pleins bords ou plutôt déborde sur tou tes les rives que de faire de la diplomatie sous les^cux d’un public qui veut tout apprendre, qui croit tout savoir et qui ignore le plus sou vent les conditions élémentaires des problèmes. ■ Le traité de Berlin a disposé que certaines ré formes s’accompliraient en Arménie et que les puissances exerceraient à cet égard un droit de contrôle. Il peut avoir eu tort ou avoir eu rai son. Peu importe à cette heure. Cette clause n’a pas seulement conféré des droits auxpuissances signataires, elle leur a imposé des devoirs. Elles ne peuvent opposer une fin de non-recevoir absolue aux supplications ou aux exigences des populations arméniennes. Celles-ci invoquent un titre juridique. Cette seule circonstance mpdifie singulière ment les choses. A supposer même qu’il pût être dans les convenances d’Etats européens de laisser se renouveler des incidents comme ceux qui ont agité l’Arménie l’an dernier, et de souf frir indéfiniment un état de trouble et de désor dre qui, à la longue, menacerait non seulement la sécurité des populations sujettes, mais l’inté grité même de l’empire ottoman, leur signature apposée au bas de l’instrument de Berlin leur interdit de se croiser les bras, s’ils ne veulent la laisser protester. En bonne justice, c’est la politique de 1878 qu’il faudrait attaquer, si l’on blâme une attitude qui n’est que la fidèle continuation du système suivi en tout temps par la France en Orient, et non pas la conduite d’un ministre qui n’a fait en 1895 que tirer les conclusions logiques des pré misses posées en ce temps. Quant au fond même du mémorandum et du projet qu’il ac compagne, on ne voit pas bien qui pourrait y trouver à redire. . Les puissances, après tout, ne demandent à la Porte que d’assurer à l’Arménie les garanties • élémentaires de la vie en société. Elles n’ont même pas été aussi loin dans cette voie qu’en ce qui concerne le Liban. Si l’on classe leurs re quêtes sous trois chefs, celles qui ont trait à...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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