Extrait du journal
cela, nous devrons bien prendre garde qu’eux même ne nous y entraînent. (Rires et applaudis sements.) .. Il est midi. La pluie tombe pénétrante et froide. Des milliers d’hommes se tien nent, cependant, immobiles et silencieux sur le parcours que va suivre le cortège. Depuis ce matin, les trains venant à Paris, soit de loin, soit de près, contenaient une affluence inaccoutumée de voyageurs. Ni la pluie incessante, ni le vent qui rend in efficace l’abri des parapluies, ni le sol dé trempé n’ont arrêté l’élan national. La France voulait être présente aux obsèques de M. Thiers. Malgré l’inclémence du ciel, tous ceux qui voulaient rendre un dernier hommage au patriote, au serviteur des idées de 1789, au fondateur de la républi que française, forme définitive du gouver nement de la France, ont tenu à se trouver au plus solennel rendez-vous qu’un peu ple se soit jamais donné sur la tombe d’un grand citoyen. C’est, en effet, un spectacle nouveau peut-être dans l’histoire du monde, que ce lui auquel nous assistons depuis l’heure où la France et l’Europe ont connu la triste nouvelle de la mort de M. Thiers. Des hommes d’Etat éminents, des rois glo rieux, des empereurs puissants sont morts sans que leur disparition de la scène du monde ait été, en aucun temps, marquée par un aussi universel regret, par des té moignages de sympathie se produisant instantanément et avec ce caractère d’universalité sur tous les points du globe. On peut dire, à entendre ces immenses acclamations, ce cri de deuil qui retentit dans toute l’Europe, que l’homme illustre qui vient de mourir était tenu par les hommes intelligents de tous les pays comme un concitoyen, et qu’il est de ceux que l’humanité revendique non comme le citoyen de tel ou tel pays, mais comme un citoyen du monde. Cet hommage si grand et si universel rendu à la mémoire de M. Thiers n’est pas un fait sans signification ni sans impor tance. Ce n’est point, malgré ses mérites, l’homme seul qui est ainsi honoré et par ses concitoyens et par l’Europe. Derrière cette tombe entr’ouverte, sur laquelle sont fixés les regards du monde et vers laquelle convergent toutes les acclamations, il y a la France ; il y a les idées, la politique, la forme de gouvernement dont M. Thiers était, aux yeux de tous, le représentant le plus direct, le plus glorieux. Oui, notre pays a le droit de prendre, avec fierté, sa part des hommages rendus par l’Europe à M. Thiers. Ces télégram mes qui, de toutes les contrées, vont por ter à la veuve de notre grand mort les té moignages de la sympathie de toutes les illustrations européennes et de presque tous les chefs de gouvernement, sont aussi à l’adresse de la France. C’est le génie survivant de notre pays qui est honoré dans le génie éteint de l’homme dont on a pu dire qu’il était la représen tation la plus vraie de l’esprit national. L’attention respectueuse et aitristée don née par le monde à >a mort de M. Thiers, marque quelle grande place tient encore la France parmi les nations européennes et chez tous les peuples pour qui les idées de paix, de liberté, de tolérance, de respect du droit national s’affirmant, par la prati que loyale du régime parlementaire, sont les conditions de l’existence des sociétés modernes. Et les acclamations qui vont à M. Thiers ne vont pas seulement à la France, elles vontaussià la forme de son gouvernement, à la république. Ce qu’on honore surtout en M. Thiers, c’est le fondateur de la répu blique. Là est son plus grand titre de gloire. Là est la raison de cette émotion si générale qui ne s’est jamais vue à un môme degré; et ceux qui affectent encore de méconnaître la puissance de l’idée ré publicaine en France n’ont qu’à songer à l’effet produit par la mort de M. Thiers et à l’immensité des hommages, rendus à la mémoire de l’homme en qui se personni fiaient les institutions républicaines et le gouvernement parlementaire. L’Europe et la France ont donc rendu à M. Thiers et aux idées dont U était le plus éminent représentan un solennel témoignage de sympathie. Le gouverne ment du 16 mai a pris, en cette circons tance, une situation à part. La mémoire de M. Thiers ne souffrira pas de cette su prême résistance qui lui a été opposée par les constants adversaires de sa politique, et personne ne se plaindra que, une fois de plus, il ait été démontré que les senti ments du ministère de Broglie-Fourtou n’ont rien de commun avec les sentiments de la France et de l’Europe. +— ,— Rien de plus instructif à étudier de près que la polémique du jour, telle que la pra tiquent beaucoup de journaux conserva teurs fraîchement éclos en province. Rien aussi de plus triste. On sait que nous ne spmmes pas habituellement de ceux qui prétendent, Que nul n’ait de l'esprit, hors nous et nos amis. Nous n’avons pas l’habitude d’attribuer à notre parti le monopole exclusif de la sagesse non plus que du patrio tisme. Mais enfin il est des degrés en tout; et, franchement, nous sommes con fondus en voyant à quelle pauvreté de fond, à quelle ignorance ou à quel mé pris de l’histoire, à quel bavardage préten tieux et vide peut descendre la presse fran çaise dans un moment si critique. Nul souci, cela va sans dire; d’une dis cussion exacte et serrée ; on n’en a pas même le soupçon, et il est visiblè que les premiers éléments y feraient défaut. Ne...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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