Extrait du journal

concert d’admiration et de regrets qui s’est élevé de toutes les parties du monde à la nouvelle de ce grand et triste évé nement. . Ce n’est pas seulement à la mémoire de M. Thiers que cet éclatant hommage était rendu ; c’est à la France libérale et répu blicaine, que M. Thiers avait comprise, qu’il avait servie et dont ii était hier en core la .vivante expression; on voyait, on voit encore dans cette France-là une ga rantie d’ordre pour l’intérieur, de paix pour l’extérieur; la journée d’hier était la journée des regrets, mais elle était aussi celle des espérances. Nos ennemis, les en nemis du gouvernement républicain et parlementaire ne s’y sont pas trompés. * LETTRES DE LA PROVINCE Au moment où je vous écris, M. Thiers sort pour la dernière fois de son hôtel de la place Saint-Georges, suivi de tout Paris : la France entière, n’en doutez pas, lui fait cortège. Je parle de tout ce qui, en France, est quelque peu ouvert à la vie de l’esprit et uu sentiment de la patrie, sans être brouillé avec la droite raison. Nous l’ac compagnons tous notre grand concitoyen, si Français d’esprit, encore plus Français de cœur; et dans ce deuil national qu’au cun autre n’a égalé depuis un siècle, nous ne savons plus] nous rappeler ses glorieux titres littéraires ; nous ne songeons qu’à ce que la patrie et la liberté, menacées de toutes parts, perdent en lui sans retour. La patrie, quelques-uns de nous savent, les autres devinent confusément de quel secours M. Thiers était pour elle, même depuis qu’il était descendu du pouvoir su prême. Nous savons qu’il y avait là une puissance morale avec laquelle l’Europe comptait, et qui, à certains moments, nous avait servi de bouclier. Cetté haute et fer me raison, si compréhensive, si pénétrante et si bien informée, que l’intérêt français animait sans jamais l’aveugler, personne en Europe, si bien armé qu’il fût, n’aimait à l’avoir contre soi. • Devant le redoutable causeur de la place Saint-Georges, dont la conversation avait bientôt fait le tour des capitales, il fallait chercher mieux que des prétextes pour oser produire certains projets hostiles à notre pays ; on avait à chercher des rai sons, lesquelles se faisaient attendre. Cer tes, il n’était pas au pouvoir de M. Thiers, simple citoyen ou député, de nous sous traire aux funestes conséquences des fautes accumulées ; il ne pouvait pas empêcher, par exemple, un. pays qui s’était livré, pieds et mains liés, à l’empire militaire et d’.nocralique, de se perdre par l’empire; mais il pouvait du moins, quand nous ne commettions plus de fautes, imposer quel-que pudeur à nos ennemis et nous aider à obtenir paix et justice. Je viens de dire le mot. M. Thiers, par sa critique lumineuse, par son bon sens acéré, par son impartia lité reconnue, était l’un des trois ou qua tre grands justiciers de l’opinion publique en Europe. C’était là sa force, et cette force était à nous. Nous ne l’avons plus ! Il faut désirer que tout le monde, en France, comprenne quelle diminution effective, bien qu’invi sible, c’est pour nous en ce moment; car, à défaut des citoyens, les étrangers le comprendraient ; ils l’ont déjà compris d’un bout du monde à l’autre, et ils s’eu émeuvent. Le rôle de moniteur toujours en éveil, de conseiller toujours clairvoyant, de défenseur sur la brèche, que M. Thiers avait rempli avec tant d’éclat à la tribune, en juillet 1870 et durant tout le cours de sa présidence, mais que de fait il ne ces...