Extrait du journal

VI— (Suite) Longtemps ils restèrent ainsi, plongés dans une extase douce. Puis il se leva comme pris d’une idée soudaine : il alla couper deux roses youges qui, de loin, éclataient comme deux taches de sang, de ces roses sans épines qui sont la gloire de ces sommets, et, les nouant d’un brin d’herbe, il vint les offrir à Miquette. Visiblement touchée, elle cueillit elle-même une campanule bleue qui s’ouvrait à portée de sa main et, la lui présentant : — Voici mon cadeau de fiançailles, Miquel. Alors, tirés de leur extase, ils se mirent à parler. Il fallait bien arriver aux choses pré cises et par là même se frotter et se blesser Eeut-être aux aspérités du réel. Miquette en eut i sensation dès que Miquel ouvrit la bouche, et elle songea que ces quelques instants de bonheur plein qu’elle venait de savourer sans parler, sans penser, elle ne les retrouverait peut-être jamais plus. Il fallait bien s’entendre pourtant puisqu’on devait se marier. — C’est dans une quinzaine, disait Miquel, tout en ramenant à l’aide des chiens les mou tons dans le parc et fermant sur eux la claie mobile, c'est dans une quinzaine que je des cends le troupeau. Alors, nous nous verrons tous les jours. — Oui, disait Miquette, prête à s’en réjouir et pourtant mal à 1 aise à la pensée de coucher sous le même toit que Miquel. Certes, il y avait des années que cela se pas sait ainsi ; mais, depuis qu’ils étaient fiancés il lui semblait que ce n était plus la même chose. Reproduction interdite....