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Le Temps, 11 avril 1894

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Le Temps
11 avril 1894


Extrait du journal

d’opérer entre les candidats une sélection plus sévère, en sorte que, par le seul effet d’une bonne administration et de l’entente entre les élus de la cité et les hauts fonctionnaires de ia police on arrive sans plus de dépense à renfor cer la force et le prestige du corps chargé d’as surer la sécurité publique. On peut doublement s’en féliciter au moment où la propagande anarchiste par la bombe sem ble faire planer sur Paris de perpétuelles me naces. Il n’est pas mauvais de constater que la perspective de ces dangers nouveaux, loin de ralentir le recrutement des gardiens de la paix, semble le faciliter au contraire, tant le courage se manifeste spontanément dans notre race lors que les circonstances paraissent devoir l’exer cer. Il y a là pour notre société, au milieu de beaucoup d’éléments de désordres, un symptôme heureux d’énergie et de vitalité. La confiance dans l’ordre légal, dans la légitimité de la dé fense sociale subsiste toujours, et la loi, tant qu’elle reste la loi, ne court pas le risque d’ôtre abandonnée ou trahie. Qu’on relève la taille des gardiens de la paix, puisqu’on a la facilité de le faire, c’est une excellente mesure préventive contre les malfai teurs de toute espèce. Il est bon que dans la rue toujours la force paraisse être du côté du droit. La haute stature, la vigueur physique, des jam bes vigoureuses, un torse carré supportant un mâle visage ont une naturelle éloquence dont l’effet agit plus vite que toute autre sur l’esprit populaire. Un gardien de la paix d’apparence très forte a moins besoin de frapper que d’au tres; on lui cherche moins souvent querelle, et son prestige suffit presque toujours pour pré venir des bagarres. Nous trouvons donc fort sage la mesure prise par M. Lépine. Mais la taille corporelle à elle toute seule ne suffit pas, et, au milieu d’une population naturellement légère, frondeuse, spirituelle et mobile comme celle de Paris, elle suffit moins que partout ail leurs. Puisqu’une sélection plus sévère, nous dit-on, devient possible, nous voudrions qu’on se préoccupât aussi de relever la taille morale, le ni veau de l’intelligence et du caractère dans le corps des gardiens de la paix. Il ne faut pas se le dissimuler. A Paris, les fonctions de gar diens de la paix publique exigent encore plus de tact, de sang-froid, d’adresse, que de force physique. Une attitude, un .geste, un mot peu vent changer soudainement les dispositions d’un groupe, et les mêmes affaires, suivant qu’elles sont bien ou mal abordées peuvent, finir également par une collision sanglante ou bien par un éclat de rire. En police, comme en poli tique, ü y a la. méthode forte et la méthode douce. C’est le moment qui décide l’emploi de l’une ou de l’autre. Il faut donc au gardien delà paix un jugement assez net et une raison assez forte pour se diriger sans heurt comme sans défaillance à travers les mille accidents de la vie parisienne. La force physique le rendra plus redoutable aux malfaiteurs ; mais plus d’intelli gence et de raison avec tout autant de bonne volonté est nécessaire pour le faire respecter et estimer de tous les honnêtes gens. L’idéal d’une bonne police serait de mériter tout à fait à la fois cette crainte des uns et cette bonne opinion des autres....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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