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Le Temps, 10 avril 1898

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Le Temps
10 avril 1898


Extrait du journal

en effet, été brisée: il n'y a plus qu’à attendre f( crue du fleuve — c’est-à-dire un mois ou deux pour porter le coup décisif au successeur du mahdL s’emparer do sa ville sainte et venger, après qua* torzo ans, la mort de Gordon. ~— i nrf] i ■ < ÉG-YPTE (De notre correspondant spécial) Le Caire, 26 février. La civilisation occidentale en Egypte (suite). — Lefc intermédiaires. — Les Occidentaux, . Entre le Nil, d!une part, et, d’autre part, la citl .arabe adossée au désert,; s’étend le Caire européen* Le palais du -khédive termine, vers l’ouest, le do maine indigène; à l’autre bord, l’agence d’Angle» terre clôt celui de la vie occidentale. Entre les deux, à-peu près au centre, est l’agenc» de France. Sur cette terre classique des symboles, tout devient significatif. Au delà de la ville indigène* la vieille citadelle avec ses deux minarets aigus, ses canons braqués, ses souvenirs de massacres et de Mamelouks — puis le désert. Au delà de la ville eu* ropéenne, des palais pacifiques, un musée merveil leux — puis la plantureuse plaine. Il y a juste cent ans, le quartier des Francs ôtait un si petit coin do la ville que le général Dupuy, qui devait l’occuper avec deux cents hommes, ne sut la découvrir dans la nuit. II y a cinquante ans, c’était une rue, une seule. Mais, depuis vingt-cinq ans, U échancre chaque année si profondément la plaine que le Nil, jadis éloigné de dix kilomètres, est at teint; ses îles envahies, et que la cité nouvelle me nace de déborder dans*la plaine des Pyramides. Ainsi vient de se fonder, en quelques années, au flanc du Caire indigène, une ville européenne de .35,000 âmes, dont la nouveauté n’est cependant pas le caractère le plus curieux. Notez, eiv.pffet, qu’aucune, richesse nouvelle n’ex plique,.comme en d’autres cas, ce soudain épanouis sement. Ce n’est ni l’or, ni le pétrole, ni le charbon, ni même le coton, qui ont faire le Caire européen. Vous n’y entendez point ronfler d’usines, ni bour donner d’entrepôts, comme d’ordinaire aux villes neuves. Celle-ci n’a point de cités ouvrières, point de quartiers de misère : ni le pauvre ni l’artisan n’y paraissent. Ses maisons sont des villas ; ses monu ments, des hôtels; ses rues, des avenues. Elle doit en effet, son existence aux catégories sociales qu’en d’autres pays que ceux du soleil on supposerait la moins susceptibles de fonder des villes : le fonc tionnaire, le rentier, le touriste, avec tous ceux qui en vivent. Du touriste, nous parlions l’autre jour. C’est pouf lui que s’élèvent les hôtels-palais, que se fondent les casinos et que se donnent les fêtes cosmopolites. . Mais, sous cet élément éphémère de la vie occiden tale au bord du Nil, on en distingue deux autres i l’un plus fixe quoique souvent renouvelé, celui des des Européens fonctionnaires ; l’autre, constant, ce lui des familles d’origine occidentale ou mélangées de sangs divers, depuis longtemps enrichies et fixées en Orient. Le nom de Levantins ne s’applique pas toujours exactement à cette dernière classe de résidents, car elle ne comprend pas seulement des Européens nés dans le Levant. Nombreux sont en Egypte les Ar méniens, Juifs, Syriens, voire Turcs ou Arabes qui, sans attaches avec l’Europe, mènent ou suivent la. vie occidentale. Il ne faut pas oublier que c’est par leur intermé diaire que s’est introduite dans presque tous les paya orientaux la civilisation occidentale. Us ont été les serviteurs, souvent intéressés, mais toujours utiles. Leurs attaches avec lé pays, leur connaissance des langues, leur extrême souplesse d’intelligence et leur habileté dans les affaires les ont rendus nécessaires à tous les Européens qui firent œuvre utile en Orient. On ne saurait exagérer le secours qu’ils ont apporta par leurs capitaux et leurs services à l’expansion, européenne.11 est naturel qu’ils se retrouvent à tous les rangs de la vie européenne dont ils furent, en somme, les pionniers en Egypte. Beaucoup d’entre eux ont compris que la vérita ble civilisation, (quelles que soient les apparen ces, n’est pas uniquement affaire d’argent ou de. mode, qu’elle implique certaines qualités morales ou intellectuelles dont on ne trafique point à la Bourse ni chez les grands tailleurs. Ceux-là se sont élevés au niveau des Européens instruits qu’ils fré quentent, ou y ont porté leurs fils. Il n’est pas besoin d’avoir visité l’Egypte pour savoir que la plupart des hommes de valeur dont elle s’est honorée en notre siècle appartiennent à cette classe. Entre I* Levantin (au sens large) et l’Occidental, quand ilï sont également cultivés, il ne saurait y avoir d* différence, et, de fait, il n’y en a point. Mais il se trouve des retardataires, et ce ne sont pas les moins en vue. En adoptant, en exagérant môme l’appareil extérieur de la grande vie française ou anglaise, ils n’ont point abandonné certaines tra ditions d’ignorance et de laisser-aller intime. Leurs femmes, comme tant de Levantines, sont parmi les plus belles créatures du monde. Seulement elles par lent. Leurs fils sont les fêtards de l’endroit. Rien à attendre de cette sorte de jeunesse. Yeux en amande (en amande honorable a dit quelqu’un), front bas, poil trop luisant, regard trop en velours ; signes par ticuliers : débauche de bijoux et de mercerie fine — tel serait le signalement du jeune beau levantin. Au moral, absence de scrupules, instinct de rapine. A quinze ans, ce jeune espoir de famille donne un louis pour sa cravate et flibuste des paras à son décrotteur. En grandissant, il polit son incomparable ignorance et perfectionne un entregent prodigieux» Avec cela, on va loin. Aussi certains de ces métis, ayant pris du ventre, s’élèvent-ils au rang d’indispensables, même dans la société européenne. Si complaisants, vous savez! Et puis, connaissant si bien le pays 1 Le monde té moigne donc à cette sorte d’officieux, dont il na peut se passer, une clairvoyante camaraderie. D’hon-...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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