Extrait du journal

MŒURS ÉLECTORALES Après une discussion où les pratiques électo rales les plus condamnables ont été constatées dans les deux camps en présence, la Chambre a prononcé l'annulation des opérations électorales dans la 2» circonscription de Narbonne, sur la demande du député lui-même, M. Turrel. Le cas de l’élection de Narbonne n’a malheu reusement rien d’exceptionnel. Il est, comme on dit à présent, représentatif. D’une circon scription à l’autre, les incidents particuliers diffèrent; mais dans la plupart des collèges électoraux il paraît admis que tout est licite lorsqu’il s’agit de garder un siège ou de détruire un concurrent dangereux. C’est un jeu permis, nous l’avons vu, de forcer un candidat comme on force un gibier, en le poursuivant de réu-. nion en réunion avec une meute qui couvre sa voix. C’est une gentillesse d’imprimer dans les journaux les accusations les plus horribles. De tout ce qu’on ose publier contre un adversaire, nous avons eu, hier, divers échantillons. Autre fois, on se contentait de dire, lorsqu’on n’était pas du même avis sur les questions politiques : « Monsieur, vous êtes un malhonnête homme, un échappé de prison. » Il paraît que cela ne porte plus. L’électeur, au palais blasé, veut goûter des liqueurs plus fortes. ■ Tout le monde se laisse, paraît-il, entraîner dans ce steeple-chase électoral où les obstacles que l'on franchit, à pieds joints, s’appelleraient : le tact, la loyauté, le respect de soi-même. Lisez — si vous le pouvez, sans rougir de honte et sans avoir le cœur aux lèvres — le Journal of ficiel d’aujourd’hui, et vous verrez que dans cette élection ‘de Narbonne personne n’a su s’interdire d’une manière stricte les manœuvres condamnables. Et nous voilà ramenés à la Fontaine : Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. Nous léguons à nos successeurs des docu ments très riches, où l’historien futur trouvera les éléments nombreux d’un tableau de nos mœurs publiques. La séance d’hier permettra à cet historien de « faire » très pittoresque et très ressemblant à la fois et la postérité s’amusera fort à nos dépens, à moins qu’elle n’ait d’ici là des raisons de nous maudirepour avoir laissé le mal empirer etproduirc toutes ses conséquences. Que faudrait-il faire? Comment assurer à notre régime électoral plus de sérieux et plus de dignité ?...