Extrait du journal

j II fallait pourtant sortir de cette impasse. Rien n’eût été plus déplorable que de voir échouer sur un écueil à fleur d’eau des négociations, aussi favorablement engagées. Quelquefois on ne retrouve pas les heures propices que l’on a laissées s’envoler. C’était ici le cas ou jamais pour la diplomatie de montrer ce qu’elle peut, qu’elle n’est pas seulement le greffier qui tient la plume et enregistre purement et simplement les résul tats des hauts faits du soldat, qu’elle sait trou ver des expédients ingénieux, coopérer efficace ment à la paix et faire servir à quelque chose les mille et une chinoiseries de la paperasserieinternationale. Elle n’a pas failli à ce devoir. Nous ne savons trop à qui il faut faire l’honneur de la décou verte du procédé spirituel qui semble devoir dénouer la difficulté. L’Espagne déclarait que pour valider les négociations il faudrait sou mettre le traité aux Cortès. Les Etats-Unis avaient songé à répondre que peu leur impor tait un acte intérieur du gouvernement espa gnol ; qu’ils n’avaient affaire qu’à lui seul; que la seule figure qu’ait un pays pour l’étranger, c'est le pouvoir exécutif — roi, régente et mi nistres; — que c’est à lui seul qu’on adresse la parole et que, pour le reste, il n’a qu’à s’arran ger comme il veut. . Cette réponse simpliste et un peu brutale n’aurait rien arrangé. Elle aurait peut-être pro voqué une réplique du même genre. Elle aurait infligé, moralement, un inconcevable démenti à l’esprit même des institutions américaines. On a trouvé mieux que cela, beaucoup mieux. On a pris un biais. Un traité, a-t-on répondu, doit être soumis aux Cortès. Rien de plus juste. D’autre part, il importe au plus haut point que nous ne per dions point de temps. Qu’à cela ne tienne! Ne faisons point de traité pour l'instant. Rédigeons un protocole, un modeste protocole. Voilà Cpii ménage admirablement les droits de tous et les intérêts du pays. Seulement, ce protocole, rendons-le provisoirement exécutoirç. C’est là un caractère qu’ont souvent reçu des documents de cet ordre. Ainsi en sera-t-il en l’espèce. Cuba, Porto-Rico seront évacués. Les opérations ces seront. Le but aura été atteint. Et rien ne sera compromis. Il restera aux Cortès à se prononcer — comme le Sénat fédéral — sur la ratification du traité qui, seul, rendra permanentes ces dis positions, donnera Porto-Rico aux Etats-Unis, réglera le sort de Cuba et des Philippines. Et le tour — un bon tour, pour une fois — aura été joué! Et tout le monde sera content ! Et la paix n’aura pas échoué au port sur le récif d’une for malité ! En vérité, tout est bien qui finit bien, et voilà qui commence pas mal à assez bien finir....