Extrait du journal

Voilà la réalité froide et nue. Il faut re noncer aux longs espoirs et aux vastes pensées. Que la Chambre s’étudie un peu elle-même, qu’elle se rende compte de son vrai tempérament et de la mesure de ses forces. On la dit « affolée ». Ce sont là, sans doute, des propos d’ennemis; mais il faut bien avouer que, depuis quelque temps, elle n’est pas très sûre d’elle-même. Elle ne fait pas ce qu’elle veut et ne veut pas tou jours ce qu’elle fait. Le lendemain on la voit se repentir de son vote de la veille, et rien ne nous garantit qu’elle ne regret tera pas dans deux jours le second qu’elle médite pour corriger le premier. Dans ces conditions, il n’y a qu’une hygiène efficace. Il faut s’interdire sévèrement toutes les agitations vaines, toutes les démonstra tions _ de force théorique qui trahissent l’inquiétude plus que la confiance; il faut s’appliquer régulièrement, patiemment à une besogne utile et bonne pour le pays entier. Ainsi, cette affaire du Panama, pourquoi ne pas l’abandonner en toute quiétude d’esprit à la justice qui s’en est saisie et qui ne paraît pas devoir pécher par négligence ou excès de'mansuétude? Toutes les fois que la Chambre y touche, on constate que ses efforts et ses déclamations ne font qu’aggraver la situation au lieu de l’améliorer. Et rien n’est plus naturel ; aus sitôt cette terrible question, toute judiciaire de nature, prend un aspect politique et de vient une arme empoisonnée contre la Ré publique elle-mêmé. Voilà pourquoi nous n’hésitons pas à blâmer toute idée d’une interpellation susci tée par les républicains. Si des faits nou veaux venaient à surgir, ou si l’interpella tion partait de la droite, la question change rait de face et elle pourrait être aussi utile dans certaines conditions données qu’inutile et dangereuse dans les conditions actuel les. Plus la Chambre s’agitera dans des dis cussions générales fatalement stériles, plus elle démontrera son impuissance et rendra, du même coup, sa condamnation irrémédia ble et sa dissolution nécessaire....