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Le Temps, 12 janvier 1901

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Le Temps
12 janvier 1901


Extrait du journal

tir avec force au pubfic les dangers résultant du monopole des communications télégraphiques sousmarines entre les mains de l’Angleterre. Une dépê che envoyée par un colon de France à Madagascar était arrêtée par la censure anglaiseà Ad.en.Puis,les dépêches chiffrées de Lourenço-Marquès pour l’Eu rope étaient refusées par les compagnies anglaises. On a encore présentes à l’esprit les protestations soulevées en Europe par ces mesures intolérables. N’était-ce pas, d’ailleurs, la conséquence forcée d’une situation connue depuis longtemps ? Ne savait-on • pas que l'Angleterre a posé 250,000 kilomètres de fils au fond des mers et dépensé plus de 800 mil lions qui lui donnent, en retour, une recette an nuelle de 11Q millions ? Pouvait-on admettre un seul moment que l’Angleterre qui encourage et soutient pécuniairement les compagnies de câbles sous-ma rins, ne leur imposerait pas certaines obligations, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, notamment celle de subir le contrôle du gouverne ment sur toutes les dépêches internationales ? Cer tes, tout cela était prévu ; mais l’opinion ne put alors en prendre son parti. Elle s’émut à l’idée que, grâce à la suprématie de l’Angleterre, en matière de communication» télégraphiques sous-marines, nos . colonies pouvaient se trouver subitement privées de toutes relations avec la. métropole et maintenues dans l’ignorance de ce qui se passe en Europe. II fallait sortir au plus vite de cet état de dépendance. A cette époque, nous nous sommes faits, l’écho do ces plaintes si justifiées et nous avons demandé avec beaucoup d’insistance que le gouvernement arrêtât un plan d’ensemble pour la mise, en valeur de notre empire colonial et la construction d’un ré seau complet de câbles sous-marins qui en est la première et principale condition. Tout ce que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui, disions-nous, part" d’une idée fausse. Nous avons donné et nous donnons encore des subventions à des compagnies.anglaises; ces dépenses ont pour résultat de perpétuer un régime d’assujettissement dont on s’accorde à reconnaître les inconvénientsA la suite de ces incidents, qui eurent un écho à la Chambre, il fut décidé qu’on établirait un réseau de câbles sous-marins n’empruntant rien aux au tres puissances pour relier télégraphiquement toutes nos colonies à la mèré-patrie. M. Maurice Ordinaire, au nom de la commission des' colonies chargée d’examiner la question, déposa sur le bureau de la Chambre, à la lin du premier semestre de 1900, un fort intéressant rapport. M. Ordinaire a traité la question des câbles sous-marins au quadruple point de vue politi que, commercial, financier et industriel. II a montré que toute la . période difficile de notre histoire coloniale pendant ces vingt dernières an nées, s’est déroulée sous le régime du monopole télégraphique étranger, les renseignements les plus confidentiels, les instructions de la nature la plus délicate circulant de Paris en Indo-Chine, au Sou dan, à Madagascar, par les soins de ceux mêmes qui suivent notre politique en ces contrées, avec la curiosité la plus passionnée et la plus intéressée. Le droit international n’a rien fait pour la neutra lité des câbles. La convention de Paris du: 14 mars 1884 s’ést bien préoccupée d’assurer la conservation des câbles sous-marins en temps de paix ; mais son article 15 a reconnu formellement la liberté d’action des belligérants. Et-dans cette question, le côté politique n’est pas seul à considérer. M. Ordinaire a montré que les câbles sont aussi devenus les instruments les plus précieux de la vie économique des nations. C’est en partie parce que l’Angleterre est le grand marché des nouvelles, que Londres continue, malgré les progrès de. ses rivaux du continent, à être le plus grand marché des affaires. C’est presque toujours de Londres quelles informations refluent vers le continent, après avoir produit leur effet sur la grande place anglaise. Aussi, les compagnies anglaises de câbles sousmarins constituent-elles généralement de bonnes affaires. La majeure partie de ces lignes, que le gou vernement subventionne du reste avec générosité, sont rémunératrices. Plusieurs sont encombrées et pourraient être l’objet de fructueuses concur rences. Après avoir constaté que l’industrie privée pos sède aujourd’hui, en France, dés usines capables de construire et de poser rapidement les grands câ bles-sous-marins, le rapporteur de la commission des colonies concluait en invitant le gouvernement - à faire connaître, dans le plus bref délai possible, les procédés d’exécution qui lui paraîtraient les plus propres à assurer la prompte réalisation d’un projet auquel l’opinion en éveil attache, à juste titre, Une haute importance. Or, voilà près1 de sept mois que le gouvernement a entre les mains le rapport si complet de M. Ordinaire. Qu’attend-il pour donner suite à la volonté du Parlement? Un autre député, M. Guillain, rapporteur général du budget de 1901 insistait, lui aussi, quelque temps après, sur la nécessité de l’établissement d’un ré seau de câbles sous-marins. Cette œuvre que le gouvernement représentait il y a plus d’une année comme extrêmement urgente, semble aujourd’hui ne plus l’intéresser. « Il faudra pourtant, disait M. Guillain, entreprendre cette œuvre indispensable à la sécurité de nos possessions d’outee-mer. » Faut-il donc des incidents nouveaux'de la nature de ceux que nous signalions tout à l’heùre, .pour convaincre le gouvernement qu’il n’a que trop tardé à donner satisfaction à l’opinion publique? Les cir constances sont plus sérieuses encore aujourd’hui qu’elles ne l’étaient l’année dernière. La guerre de Chine est venue s’ajouter à la guerre sud-africaine. L’isolement de nos possessions lointaines- et notre assujettissement aux compagnies étrangères de câ bles sous-marins ne s’affirment-ils, pas avec d’au tant plus d’évidence que les complications extér rieures sont plus nombreuses ? A une année de dis...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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