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Le Temps, 12 juin 1889

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Le Temps
12 juin 1889


Extrait du journal

La guerre moderne est, dit-il, « une affaire d’expérience et de stratégie générale ». Il en conclut naturellement que les vieux officiers ont leur valeur, fussent-ils fatigués et que, loin de leur offrir une porte de sortie honorable, il faudrait chercher à les retenir sous les dra peaux. 'Lé projet de loi sur les deux cents retraites proportionnelles présenté par la commission de l’armée de la Chambre, à la place du projet ministériel renvoyé à une étude complémen taire, est une loi d’avancement à effet limité, de nature temporaire, n’ayant aucune vertu organique; il ne faut y voir au fond que le désir tout patriotique de ne pas laisser perdre, au plus grand détriment de la défense nationale, l’expérience d’officiers ayant pratiqué le métier des armes par vocation, ayant parfait leur ins truction technique pendant au moins quinze années et quittant l’armée par suite de consi dérations personnelles. Nous ne croyons pas que ce soit l’avantage d’une petite pension qui modifie profondément les mutations, par démission, dans l’armée. Mais quand la conséquence de la loi serait un accroissement permanent de l’avancement et une cause de rajeunissement des cadres supé rieurs, nous n’y verrions aucun mal. Notre confrère aura beau nous opposer aux noms de jeunes généraux tels que Gondé, Mar ceau, Hoche et Bonaparte, ceux d’autres illus trations, de Radetzki, de Moltke et Robert Lee, tous gens d’âge et d’expérience, il n’en restera pas moins acquis à l’opinion des hommes du métier que le rajeunissement des cadres est une des conditions de force et de succès pour les armées modernes. C’est en vain qu’on pré tendrait que, de nos jours, la guerre soit seule ment « une affaire d’expérience et de stratégie générale^ », elle sera plus qu’à aucune autre époque, à cause de la puissance destructive et démoralisante des nouveaux engins en usage, « une affaire de vigueur, d’audace et d’efforts héroïques ». Nos rivaux les Allemands parta gent complètement cette manière d’envisager le caractère des luttes futures. Il n’est pas per mis d’oublier que, dans le pays qui a produit de Moltke, et où l’illustre organisateur a tou jours voix prépondérante dans les conseils de l’Etat, le rajeunissement des cadres est en pleine voie d’accomplissement et que le jeune empereur, si respectueux des gloires militaires, n’hésite pas à provoquer la mise à la retraite des plus illustres serviteurs militaires de l’em pire, lorsqu’il les juge devenus impropres au service de guerre. Est-ce que l’enseignement de notre dernière lutte contre l’Allemagne viendrait à être perdu de vue? Nous est-il permis d’en relire froide ment le récit sans être frappé du manque d’ini tiative dont ont fait preuve certains de nos chefs militaires, sous l’action de l’affaissement naturel de brillantes facultés émoussées par l’âge et l’excès des fatigues? Dans les questions militaires, on n’a le droit de se passionner que pour le but à atteindre. Le parti pris n’est pas excusable parce qu’il entrave toute discussion et rend hésitante la marche du progrès. La question des retraites proportionnelles n’échappe pas à cette loi faite de patriotisme ; elle . est partie indissoluble d’une nouvelle série de sacrifices à consentir après tant d’autres, si nous voulons ne pas compromettre notre édifice militaire et particu lièrement notre mobilisation. En résumé, la loi ayant un effet rétroactif et le nombre d’années de service effectif néces saire pour ouvrir un droit à une retraite pro portionnelle étant abaissé de vingt à quinze, le ministre pourrait, dans son projet primitif, pyec une dépense d'un million, recruter pour l’armée territoriale huit cents officiers aptes à faire campagne. Avec une dépense d’un demimillion, le projet de la commission n’assure que les services de deux cents officiers dont la meilleure partie ne sera pas très valide. Le projet du ministre nous paraît donc de beau coup préférable et nous regrettons qu’il ne s’y soit pas tenu. 1 — ■ ' " ■ UN ANACHORÈTE DU BOULEVARD...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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