Extrait du journal

adoptée par le président. D’une question inter nationale, cosmopolite au premier chef il fait une question d’ordre intérieur. II descend de propos délibéré du plan de l’action diploma tique, des négociations, à celui de la politique spécifiquement américaine, des discussions de tribune et des intrigues" de couloirs! Pour tout dire d’un mot peut-être un peu sévère dans sa justesse,'—là où un Washington ou un Lincoln se serait piqué — par patriotisme américain même — d’être un hommed’Etat, M. Mac Kinley n’a voulu être qu’un politicien. Que fait-il, en effet, sinon de rejeter sur une assemblée législative dont il connaît les préju gés et les passions la responsabilité de l’exercice de l’une des prérogatives essentielles du pou voir exécutif ? Sans doute, il définit jusqu’à un certain point les conditions dans lesquelles il souhaiterait voir se produire l’action éventuelle des Etats-Unis. Il ne veut pas entendre parler de 'reconnaissance prématurée de l’indépendance ou de la qualité de belligérants des insurgés: en quoi il peut avoir, pratiquement, toute rai son, mais par où en même temps il laisse percer le bout de l’oreille d’une politique égoïste. Il s’efforce d’établir qu’il ne se peut agir au maximum que d’une sorte de guerre pacifique, d’une espèce d’exécution juridique manu mili tari dans lô cours de laquelle les Etats-Unis pourraient unir en eux les caractères contra dictoires de puissance belligérante et de puis sance neutre. Bref, il recule devant l’emploi de ces termes brutaux qui disent trop franchement les choses comme elles sont. Mais il est permis de se demander si ces précautions oratoires ont le moindre prix et si elles ne servent pas plutôt à faciliter, au chef de l’Etat l’abandon plus ou moins dissimulé de son attitude pacifique au Congrès et aux jingoes l’adoption plus:ou moins définitive d’une attitude belliqueuse. Au fait, le message énumère tous les motifs d’intervention par les armes et s’il s’y mêle quelques protestations platoniques en faveur d’une solution amiable, il n’en affirme pas moins avec une netteté qui a été très applaudie que la domination espagnole à Cuba doit cesser. On lui saura peut-être gré de la modération relative de son allusion à l’explosion du Maine, du vague de ses propositions finales. Pour notre part, nous regrettons de ne pou voir nous associer à cette vue optimiste. Ce qui nous inquiète par dessus tout, c’est l’espèce d’abdicaticn plus ou moins enveloppée, très verbeuse et assez générale que ce document constate et opère au profit du pouvoir législatif, c’est-à-dire de l’élément perturbateur par excel lence. Un souvenir, un contraste, s’impose à nous. En décembre 1895, le message du président Cleveland, dans l’affaire du Venezuela, sembla de voir mettre le feu aux poudres par la véhé mence de son langage envers l’Angleterre. De fait, il sauva la paix en permettant au chef de l’Etat de concentrer entre ses mains tous les fils delà négociation et en lui donnant d’avance carte blanche de la part du pays. Aujourd’hui le message un peu, doucereux, très étendu, volontairement affadi du président Mac Kinley semble écarter une solution belli queuse en interposant une sorte de tampon de mots et de coussin de phrases entre les deux parties. Dans la réalité, il pourrait bien tout gâ ter en rendant la main au Congrès et en rédui sant le premier magistrat au rôle modeste d’une sorte de ministère public ou même de greffier....