Extrait du journal
tager ces regrets de l’éloquent philosophe, si ha bile lui-même à manier l’arme délicate de l’ironie, en voyant sur quel ton des écrivains qui se donnent comme les représentants de l’urbanité française, comme les détenteurs des saines traditions sociales, s’expriment dans leurs at taques contre les choses et les hommes du temps présent. Assurément, nous comprenons que les adversaires du régime en vigueur ne gardent aucun ménagement à l’égard de la République et des républicains. Nous comprenons qu’on aille aussi loin que possible, en fait de critiques passion nées, contre les personnes et contre les institutions, mais, cependant, il y a certaines limites, qu’on ne devrait pas dépasser, par respect pour soi-même, et c’est malheureusement ce dont on ne paraît pas assez se rendre compte dans certains milieux. La langue du père Duchêne semble être devenue une langue courante pour nombre de gens qui se don nent comme les héritiers du grand siècle. Rare ment on a vu pousser aussi loin les attaques per sonnelles, les inventives grossières, et, qui pis est, la diffamation et la calomnie. Non seulement les institutions existantes y sont vilipendées en des termes odieux, mais les hommes politiques qui ser vent ces institutions y sont personnellement accu sés de toutes lés Infamies, traités de voleurs, de proxénètes, de bandits, etc... C’est à croire que nous vivons au milieu d’un bagne. De tout temps la presse a eu ses scories, et il faut savoir s’y résigner. Mais il est difficile de se défendre d’un sentiment de tristesse lorsqu’on voit que cette dégénérescence de la presse, que cet avilissement des polémiques, que ce: te pratique croissante des injures personnelles, des calomnies les plus odieuses, proviennent d’hommes qui n’ont nas l’excuse de l'ignorance et de la mauvaise édu cation, d’hommes qui appartiennent a des partis ayant fait quelque figure dans le monde et ayant eu leur heure de fortune. Ces partis s’imaglneutils recruter des adhérents par la grossièreté des in vectives, pensent-ils qu’à force de diffamer la Ré publique et les républicains le pays se laissera en traîner à élire des monarchistes? Ce serait là uue absolue erreur. Ce n’est point par de tels procédés que l’on agit efficacement sur l’opinion publique. Tout au contraire, la grossièreté des attaques ne prouve qu’une chose : l’impuissance de ceux qui s’y livrent, et elle éloigne plus qu’elle n’attire. Les partis qui n’ont d’autre ressource contre leurs ad versaires que l’invective, qui s’attendent un retour de fortune que de l’excès de leurs injures, sont des partis Irrémédiablement condamnés. Aussi, au point de vue politique, ces attaques frénétiques do quelques écrivains de droite contre les républi cains ne peuvent qu’être vues avec indifférence. Si elles nous inspirent quelque regret, c’est unique ment parce que, au souvenir de ces temps rappe lés par M. Jules Simon, où les polémiques pou vaient aller jusqu’aux coups d’épée, mais non jus qu’aux injures ignobles, il nous semble voir là l’in dice d’un abaissement, contre lequel tous ceux qu’intéressent l’action et l’influence de la presse doivent s’efforcer de réagir. • " ' Par sou discours prononcé hier a l’Assemblée nationale, M. Freppel a démontré à tous les yeux combien la mission d’un évêque, et en général d’un ministre du culte, est peu compa tible avec un mandat politique. Nous en avons depuis longtemps fait l’observation; jamais le fait ne fut peut-être plus éclatant. M. l’évêque d’Angers a eu le sentiment momentané de cette incompatibilité, car il a commencé son allocu tion en dépouillaut, pour ainsi parler, sa robe d’évêque et en priant ses auditéurs de ne voir en lui que le député politique de la 3e circonscrip tion de Brest; parlant au nom de ses électeurs. Nous ne voulons point rechercher jusqu’à quel point ce dédoublement et ce partage, chez un évêque, sont possibles ; nous croyons seulement devoir faire remarquer que l'intervention des ministres de la religion au milieu des débats ! parlementaires est,aussi compromettante pour la cause de la religion qu’ils représentent que pour le parti politique qu’ils veulent servir. I Qu’on nous comprenne bien ! Loin de nous la pensée de contester au suffrage universel le droit d’envoyer un évêque à la Chambre ou au Sénat. Nous nous demandons seulement si les évêques font bien de céder aux offres et aux tentations de la politique, et si, dans l’intérêt même de la pacification religieuse qu’ils dési rent, il ne serait pas plus sage et plus efficace de leur part de s’enfermer strictemeut dans leur rôle tout apostolique. Nous songeons à l’effet pro duit sur la société contemporaine par des mani festations comme celles de M. Freppel. Sans doute, le prélat y a mis de l’esprit; il a eu re cours habilement à la figure oratoire qu’on nomme l’hypothèse, pour dire à loisir tout ce qu’il avait sur le cœur contre la République. Mais cette ingénieuse fiction trompe-t-elie per sonne? L’orateur a encore ajouté qu’il parlait comme député, non comme évêque ; mais le pu blic fera-t-il cette distinction, et, au fond, M. Freppel la fait-il 1 ui-même ? Ne sait-on pas que les doctrines de l’évêque sont absolument théocratiques et qu’il est moralement et religieusement im possible au député d’en avoir d’autres? Dès lors, toutes ces précautions, toutes ces habiletés, de viennent parfaitement inutiles, et la seule chose qu’on voie, la seule dout puisse être frappée l’attëution publique, c’est le fait d’un évêque con cordataire en lutte ouverte avec la forme même du gouvernement auquel il viendra dans quel que temps demander le maintien du budget des cultes et du traité de paix représenté par le Con...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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