Extrait du journal
Quand nous avons félicité le gouvernement de ne pas avoir permis l’exhibition du drapeau rouge à l’enterrement du citoyen Eudes, la Justice nous a objecté l’exemple de tolérance que l’Angleterre et l’Amérique nous auraient toujours offert, disait notre confrère, en matière de manifestations sur la voie publique. Nous ayons répondu qu’au contraire la police anglaise et la police américaine ne se faisaient faute ni scrupule de saisir les emblèmes de désordre et d’anarchie. La Justice ne l’a pas nié; mais, son principal argument détruit, elle se garde de regret ter les admonestations qu’elle a adressées au cabi net pour l’attitude qu’il a su prendre à l’égard des manifestations révolutionnaires. A qui peut profiter la thèse que la Justice sou tient ? Ce n’est assurément pas à la République, que beaucoup de manifestations comme celles de l’autre jour compromettraient irrômissiblement. Ce n’est pas non plus au cabinet, qu’elle nous montre en cette circonstance en grave désaccord avec ses sou tiens naturels, ceux que nous avions appelés les «fondateurs». Seuls les ennemis, avoués ou non, du régime actuel peuvent tirer parti du langage d’un journal qui représente le groupe le plus important et le plus influent des radicaux amis de M. Floquet. Et ils ne s’en faut pas faute. Le Pays, intervenant dans la polémique engagée entre la Justice et nous, croit trouver évidemment dans la thèse de notre confrère les secrètes pensées de M. Floquet et dit qu’en réalité le président du conseil ne proscrit « le drapeau rouge que pour la forme ». Le Pays dit encore : «Dans le département du Nord, le drapeau tricolore etle drapeau rouge sont en présence... La France compte sur le général Bou langer pour faire rentrer le drapeau rouge dans les caves. » La République gagne-t-elle à ce que la question pendante devant les électeurs du Nord, et aussi de la Charente-Inférieure et de la Somme, soit ainsi posée : d’une part, les amis du gouvernement, pleins de mansuétude pour les fauteurs de désordre et leurs emblèmes; de l’autre, M. Boulanger, dont la candidature à deux fins s’adresse aux mécontents, aux déçus, mais fait appel surtout à la masse des indécis qui réclament d’un gouvernement le main tien de l’ordre public et se désaffectionneraient aisé ment si le régime actuel cessait de leur offrir cette garantie de paix et de stabilité ? " ' 1 ■ " 1 |—1 ■—< La proposition d’arbitrage faite par la com mission municipale du travail et acceptée par les terrassiers grévistes a été repoussée par les entrepreneurs. Nous avons fait pressentir ce résultat. A notre avis, il n’y avait pas, dans l’es pèce, matière à arbitrage. D’autre part, l’arbitre qui proposait ses bons offices n’avait pas, évi demment, toutes les qualités requises pour remplir une semblable mission. La décision prise par la réunion des entrepreneurs ne sur prendra donc personne. Il n’en est peut-être pas de même pour la fin de non-recevoir absolue qui a été opposée aux demandes des ouvriers. Les patrons, hâtonsnous de le dire, sont dans la vérité économique. Us croient, avec raison, que le principe de l’offre et de la demande doit rester entier ; sans cela la liberté du travail serait forcément violée, au cun pouvoir ne pouvant déterminer la valeur des salaires sans tomber dans l’arbitraire. Les patrons estiment, en outre, que la limitation des heures de travail et l’obligation du repos dominical seraient de graves atteintes à la li berté individuelle. Ce sont là des principes que nous avons toujours défendus, et ce n’est pas nousquiblâmerons les entrepreneurs d’en avoir proclamé l’importance une fois de plus. Les de mandes des ouvriers sur ces points ne pou vaient avoir chance d’aboutir, et nous n’avons pas été les seuls à les dissuader de soutenir une grève pour ces motifs. Restait la fixation du prix de l’heure : les en trepreneurs, qui avaient repoussé préalable ment le caractère obligatoire et contractuel des prix de série, ont déclaré que, en général et sauf de rares exceptions, le prix payé auxterrassiers était de 50 centimes. Ils ont jugé ce salaire suffisant et ne se sont pas montrés disposés à l’augmenter. Les entrepreneurs de terrasse con naissent parfaitement la situation du marché de la main-d’œuvre à Paris. Ils sont, mieux que personne, en état de juger si une aug mentation de salaire est logique en ce mo ment. Il ne nous semble donc pas qu’on puisse, sur ce point encore, leur faire des objections sérieuses. On leur reprochera, par contre, de ne pas ré pondre aux ouvriers par une offre de concilia tion. Leur attitude à cet égard sera vivement commentée, et l’on dira, avec quelque vraisem blance, que les patrons ont refusé systémati quement de s’entendre avec leurs ouvriers. En fait, les entrepreneurs qui n’ont pas voulu trai ter avec la chambre syndicale ouvrière sont loin de comprendre la totalité de la corporation, et les raisons qu’ils ont à faire valoir ne sont pas, d’ailleurs, sans importance. « Gomment veut-on raisonnablement, diront-ils, que nous entrions en relations avec les promoteurs de la grève, avec des hommes qui ont encouragé nos ouvriers à entrer en conflit avec nous, qui ont organisé le désordre dans nos chantiers en renversant nos tombereaux, en brisant nos ou tils, en molestant les travailleurs qui récu saient le mouvement gréviste? Traiter avec eux, n’est-ce pas reconnaître qu’ils ont eu rai son de violenter leurs camarades et de faire l’apologie des plus basses passions ? Le souci de notre propre dignité et l’intérêt bien entendu des travailleurs honnêtes nous interdisent de composer avec eux. »...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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