Extrait du journal

— J’accepte cette réserve, dit Marion avec une égale froideur ; mais je croyais vous avoir expliqué moi-môme que mon but est précisé ment de cesser d’être mêlée à vos affaires. . Après une légère inclination de tête qui pou vait signifier un assentiment poli ou un scep ticisme moqueur, Berthe commença : — Il y a deux ans environ, un Anglais de bonne famille, mais de finances assez endom. magées, résolut de venir en Amérique tenter la conquête d’une de ces rapides et colossales fortunes qui étonnent le monde. Mais il lui manquait toutes les qualités qui servent géné ralement à les édifier. » En moins de six mois, le capital arraché à la faiblesse maternelle était dissipé follement et il ne lui restait plus pour vivre qu’une mo deste rente lui arrivant régulièrement d’Angle terre., ^ » Or, notre homme étant adonné à une foule de vices dispendieux qui réclamaient Impérieu sement satisfaction, chercha un moyen plus en rapport avec ses facultés que lo travail pur et simple, pour augmenter son revenu, » Il exista chez nous bon nombre de sociétés secrètes, organisées par les travailleurs dans le but de neutraliser la tyrannie du capital. L’une de ces sociétés, particulièrement forte et bien disciplinée, dirigée par des hommes dé voués et Consciencieux, était en train d’obtenir de brillantes victoires, de faire sentir son pou voir tous les jours davantage. Plus d’un roi de la finance aurait donné gros pour connaître l’adversaire invisible qui venait au plus beau moment renverser ses superbes spéculations. Lu gentilhomme aux abois a vent de cet état de choses. Qu’imagine-t-il? Tout simplement de s’affilier à cette société pour surprendre ses secrets et les vendre un bon prix à ceux qui avaient besoin do les connaître. » C’était un traître, un félon, le dernier des misérables, — non pas un. imbécile. Avec une habileté diabolique, il sut jouer son rôle, tromper la bonne foi des associés, trafiquer de leurs se crets et demeurer longtemps insoupçonné. Mais l’avidité croissant avec le succès, ses gains mal acquis ne lui suffirent pas ; non content de venla révélation de choses réelles,...