Extrait du journal

Il n'est.Ras d'autre exemple»- dans l'histoire d'une transformation aussi rapide et aussi complète d'un pays dônt toute l'existence fut commandée pendant des siècles par les plus sévères traditions de l'islamisme. Quand Mustapha Kémal, qui avait déjà une grande carrière militaire derrière lui, se fut établi à 'Ankara, en 1930, et improvisa la première grande Assemblée nationale, il entreprit une jlutte sans merci non seulement contre le régime impérial maintenu comme une Action à Constantinople, mais aussi contre toutes les Influences qui tendaient à limiter l'indépendance de la Turquie et à restreindre son développement politique et économique. Avec un recul de vingt ans on peut constater que cette lutte eut véritablement le caractère d'une épopée nationale et que Mustapha Kémal avait mérité ce titre de « Ghazi » qui lui fut décerné ;au nom du peuple. De 1920 a 1923, il 1 a réussi à constituer une Turquie nouvelle à peu près homogène, ne rappelant plus en rien la mosaïque de peuples, tous également opprimés d'ailleurs, qu'était l'ancien empire ottoman; et quand il eut reconquis entièrement l'Anatolie et repoussé les Grecs hors d'Asie Mineure celui qui m'avait été au début qu'un simple général rebelle prit figure de héros national. Avec Mustapha Kémal homme d'Etat, ce fut alors l'esprit de révolution, dédaigneux de tous les ménagements d'une évolution prudente, qui s'affirma avec force. Révolution d'ordre moral, d'abord, par une réaction radicale contre toute influence religieuse; révolution politique, ensuite, par l'instauration d'un régime autoritaire, mais qui gardait les apparences d'un ordre constitutionnel et parlementaire; révolution sociale, enfin, par la suppression de toute distinction de classe dans la société, par l'émancipation complète des masses populaires, par le plus large développement de l'instruction et par l'accession en toute liberté des femmes à la vie générale de la nation. Mustapha Kémal a accompli ce miracle de moderniser en quelques années un vieux peuple et un. vieux pays sans passer par aucune des étapes nécessaires à toute évolution normale. On pouvait craindre, au début, qu'une telle entreprise ne fût au-dessus des possibilités humaines et ne provoquât les plus vives réactions. Il n'en fut rien, car le « Ghazi » avait eu soin d'établir solidement son régime sur une armée puissante, remarquablement organisée, fortement disciplinée, capable de parer à toutes les éventualités intérieures et extérieures. C'est parce que l'armée constituait l'armature solide du régime kémaliste qu'oint pu être évitées les fluctuations qui compliquent d'ordinaire n'importe quelle politique de réformes profondes....