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Le Temps, 15 décembre 1894

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Le Temps
15 décembre 1894


Extrait du journal

BULLETÏN_DU JOUR UNE VICTOIRE QUI GOUTE CHER Le cabinet Wekerle a fini par l’emporter. Le., président du conseil, qui sait ménager ses ef fets, a attendu d’avoir atteint la péroraison d’un discours consacré à une question aride de droit constitutionnel pour annoncer sur le ton le plus uni et le plüs simple, en réponse aux interruptions violentes de l’opposition, que l’empereur et roi avait sanctionné le matin môme les projets de loi politico-ecclésias tiques. S’il avait visé un coup de théâtre, M. We kerle a dû être satisfait, La surprise a été in tense ; la déception de l’extrême gauche et du parti indépendant cruelle ; la joie de la majorité gouvernementale incomparable, On avait fini par ajouter foi aux rapports les plus pessimistes. La grande conspiration du comte Kalnoky contre les droits de la Hongrie autonome était d’autant plus devenue parole d’Evangile que les ministres et leurs organes les plus affidés ne prenaient nullement la peine d’y opposer même ces démentis officiels et su perficiels qui sont en quelque sorte de pure convenance. On discutait déjà les probabilités d’une succession qui n’était pas encore ou verte. " L’idée d’un ministère d’affaires avec le baron Banffy à sa tête semblait faire quelque chemin. D’aucuns assuraient qu’en dépit des apparences l’étoile du comte Albert Apponyi pouvait bien être à la veille de se lever et que FrançoisJoseph n’était pas indisposé à mettre à l’essai ce politique brillant et erratique dont le grand mérite, à cette heure, comme ce fut son tort jadis, est de ne pas appartenir au parti libéral orthodoxe. Le parti clérical proprement dit, qui n’est pas à confondre avec l’épiscopat, dont il dénonce, parfois avec une virulence singulière ment peu respectueuse, l’attitude modérée et conciliante, triomphait déjà bruyamment, en dépit des avertissements de quelques amis sa ges qui lui signalaient le péril de se solidariser avec une politique contraire aux droits et à l’autonomie de la Hongrie. Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu un revirement à la onzième heure dans, l’esprit de FrançoisJoseph? Ce monarque a-t-il reculé devant une atteinte grave portée, sinon au texte, du moins à l’esprit de ce compromis sur lequel est fondée l’unité morale de son empire? Avait-il, au con traire, toujours eu en vue de donner sa sanc tion finalement après s’être accordé le malin plaisir de tenir ses ministres le bec dans l’eau et de leur faire expier par quelques semaines d’angoisses l’excès d’audace de leurs projets laïcisateurs ? Ce sont là des points qui restent provisoire ment dans l’obscurité. Il est toutefois une cir constance d’où l’on pourrait induire qu’en réa lité la crise a été grave et qu’il n’a tenu qu’à un fil que le ministère ne dût quitter le pouvoir les mains vides. Nous voulons parler du ton mélan colique avec lequel M. Wekerle a fait allusion à l’éventualité de sa chute prochaine. Ce n’est point ainsi que parlent d’ordinaire les vainqueurs. On dirait que le premier ministre a le sentiment que sa victoire d’hier a été achetée au prix de son renvoi de demain. Ce n’est pas seulement parce que son crédit a subi une at teinte irréparable dans l’esprit public. C’est sur tout parce que la confiance réciproque- entre souverain et conseillers a été profondément ébranlée par ces incidents. S’il est vrai, comme on le dit, que le cabinet a surpris l’autorisation du roi pour le dépôt de ses projets, en lui représentant que sa liberté demeurerait entière jusqu’à la fin, puis qu’il lui a forcé la main pour la sanction en lui affirmant que sa responsabilité était engagée, on s’expli que la mauvaise humeur de François-Joseph. Tout indique donc que le cabinet Wekerle sera enseveli dans sa victoire et qu’il tombera sous peu sur une question secondaire. Entraînera-t-il avec lui le régime soi-disant li béral qui domine depuis près de trente ans ? C’est ce que l’avenir révélera. En tout cas, les cléricaux magyars seraient peut-être disposés à pardonner à M. Wekerle le mariage civil s’ils pouvaient espérer que cette politique de laïcisa tion aura pour résultat prochain la « mort sans sacrements et l’enterrement purement civil » d’un gouvernement et d’un parti qu’ils exè crent. Il est permis de se demander si les libéraux ne trouveront pas avoir acheté un peu cher à ce prix les réformes chères au cœur de M. Szilagyi....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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