Extrait du journal

A PROPOS DE TACTIQUES La question du Sénat est un point sur lequel les socialistes ont peine à se mettre d’accord et à pré ciser leurs idées. Sans doute, ils sont partisans — jusqu’à nouvel ordre — de la suppression de la haute assemblée; mais iis ne s’entendent guère sur la tactique à suivre. Les socialistes purs voudraient réduire le Sénat par le dédain et par la grève des électeurs. Les parlementaires du socialisme pensent que la première chose à faire du Sénat, c’est de s’y installer confortablement. On le supprimerait après à moins que l’on ne s’y trouve tellement bien as sis... Dans la récente élection des délégués sénatoriaux du Conseil municipal de Paris, nous avons vu se manifester les partisans de l’abstention. Et ce no taient pas seulement de vrais ouvriers, de vrais sô-’ cialistes, qui se rangeaient à cette propagande un peu naïve; c’étaient aussi des socialistes bourgeois comme est M. Jaurès, par exemple. Cette tendance d’abstentionnisme a même empêché l’élection des délégués d’aboutir dès la première séance. 11 fallait aviser. M. Millerand a parlé. C’est dans le Petit Pro vençal que le chef et le stratège des socialistes vient de se prononcer, de la manière la plus nette sur cette importante question de tactique électorale. « Nous redoublerons d’énergie, dit-il, pour faire en trer jusque dans l’assemblée du Luxembourg des sénateurs socialistes. » L’indication est formelle. M. Jules Guesde, M. Chauvin, M. Coûtant, M. Rouanet, M. Chauvière et M. Cluseret, d’autres encore, socialistes variés, seraient mal venus à choisir d’au tres tactiques. Il n’y a qu’à s’incliner. Nous voilà bien loin des congrès socialistes où, devant quelques douzaines d’ouvriers ingénus et de bonne composition, on discutait les programmes les plus intransigeants. A cette époque, on était un « bourgeois », un « faux frère », un « traître » passi ble de toutes les excommunications si l’on accordait la moindre importance à la conquête des pouvoirs publics. Pour une candidature au Conseil municipal, en ce temps héroïque, un socialiste devenait suspect aux autres socialistes. Maintenant, tous les mandats sont bons à prendre; et, quand on sera entré dans toutes les « places » convoitées, vous verrez qu’on y restera et qu’on se gardera bien de rien casser, par crainte de recevoir quelques éclats. Voilà le vrai programme socialiste, le programme tel qu’il devient sinon tel qu’il est, le programme fin-desiècle. Malheureusement pour les promoteurs de ces jolies combinaisons, il y a les auditeurs ingénus d’autrefois, ceux qui n’ont pas place au banquet. Leur stupéfaction doit' être grande, et leur colère ne se fera pas attendre. Et, comme la prime à la su...