Extrait du journal

Brigitte écrivit à la religieuse afin d'annoncer elle-même son arrivée, en la priant de'lui en voyer un télégramme à Paris, oii elle devait être le surlendemain matin. Rudal.se chargea d’ex pédier la lettre. La surexcitation qui soutenait Brigitte dans son parti pris d’agir, ne l’abandonna point après le départ de Laurent. Mais, quoique surexcitée, elle fit ses préparatifs comme si elle agissait en rêve, et fut sur le point d’oublier la chose prin cipale, c’est-à-dire une réserve d’argent assez importante. « L’oubli n’eût pas été bien grave, pensa-telle, puisque je reviendrai tout de suite auprès de mon père. » Leurs adieux furent froids, bien que, s’il eût dit un mot, elle se fût jetée dans ses bras en disant : « Aimez-moi et faites vous-même mon bon, heur. » Mais le pauvre homme, manifestement en: chanté de reprendre, sans soucis, ses chers tra vaux, l’embrassa légèrement. — Marie t’accompagne ? — C’est inutile... On a porté, il y a une heure, mes bagages à la gare, et j’irai seule à la station; je l’ai fait bien des fois. Oui, mais dans le train ?... Il est vrai que tu as l’habitude de ces petites excursions. Mais tu aurais mieux fait, je crois, d’emmener Marie. Brigitte ne répondit pas, et s’éloigna le cœur en même temps triste, irrité, mais plus ferme dans sa résolutton. Il eût suffi d’une parole affectueuse pour la retenir, l’attitude de M. d’Eponé, au contraire, la poussait en avant. Elle fit enregistrer sa malle pour la station< indiquée par Laurent. Le chef de gare, qui avait causé avec les domestiques, lui dit : * — Ah 1 vous préférez descendre là? C’est im peu plus loin des Petites-Buardières, mais la route est plus belle pourvous envoyer chercher. Un bon moment pour se promener ! la grande chaleur a disparu. — Oui..., répondit-elle laconiquement. vil eut un regard étonné; car elle avait-l’ha bitude de se prêter à son bavardage, et de s’in former avec intérêt de ses nombreux enfants, — Etes-vous malade, mademoiselle Brigitte? demanda-t-il. — Oh I non... un peu fatiguée seulement. Un déplacement vous fera du bien. Et il s’en alla fermer ses barrières en se di sant que si les bruits publics avaient raison, il savait quel serait le meilleur remède à la fati gue de la jeune fille. * Ce petit incident sortit Brigitte de la vague somnolence dans laquelle il lui semblait se...