Extrait du journal
; l’AÏGLETERRE ET LES ANARCHISTES : Le bill de lord Salisbury est revenu, hier, de vant la Chambre des lords. En dépit de l’oppo sition catégorique du gouvernement, dont lord Rosebery s’èst rendu l’organe par un grand discours, lé .projet a été voté en seconde lecture à une forte majorité. Il ne faut pas s’y méprendre ; il n’en a pas moins reçu le coup de grâce. A la Chambre des lords, où le marquis de Salisbury est seigneur et maître et dispose de plus des neuf dixièmes des votes, il était entendu d’avance que la majorité se rallierait à la voix.de son chef. C’était là un incident de séance, prévu, escompté, , mais sans effet sur les réalités de la politique. • Du moment que lé cabinet se prononce contre tin projet de sûreté générale, c’en est fait. La Chambre des communes ne votera pas le bill de lord Salisbury. On ne confère pas, malgré lui, à un gouvernement des pouvoirs extraordi naires dont il déclare ne point avoir besoin et dont il affirme ne pas vouloir faire usage. Du reste, le seul fait que les ministres avaient laissé au leader de l’opposition l’initiative d’une pareille mesure indiquait assez le sort qu’ils réservaient à cette proposition. : Lord Salisbury a dégagé sa responsabilité; il a même, dans son zèle à défendre la société, peut-être aussi dans son empressement à met tre le gouvernement dans son tort, sensiblement outrepassé la compétence normale d’un simple membre du Parlement. Quant aux ministres, après mûre réflexion, délibérément, en pleine -connaissance dé cause, ils ont repoussé l’offre d’attributions nouvelles et du coup assumé la responsabilité des conséquences éventuelles du maintien du statu quo. : On sait de quoi if s’agissait. Le bill de lord SaJisburv contenait deux parties distinctes : la . première créait un système d’inspection dans les ports du Royaume-Ûni à l’effet d'en exclure les immigrants dénués: de ressources ou atteints de ; maladies contagieuses ; la seconde conférait au pouvoir exécutif le droit d’expulser par simple décret les étrangers suspects de menées dange reuses pour la sûreté de l’Etat ou des puissances amies. ^ , Sur le premier point, lord Rosebery a opposé une fin dé non-recevoir absolue aux doléances et aux propositions de lord Salisbury. Il s’est iréfusé à entrer dans la voie, d’une protection même hypocrite qui, après avoir élevé des bar rières contre la concurrence des êtres humains, •ne tarderait pas à en construire d’autres contre la rivalité des produits. Il a montré que les chiffres allégués par lord Salisbury étaient faux, qu’il n’y avait pas plus de quelques mil!Iiers d’immigrants de la catégorie visée chaque ' année et que l’Angleterre était le dernier pays 'qui eût à prendre des précautions à cet égard. Le tableau qu’il a cité à ce sujet ne laisse pas d’être instructif. On y voit que les grands pays comptent dans la proportion suivante des étran gers dans la masse de leur population : Angle terre, 5,8 pour mille; Allemagne, 8,8 pour mille; /Autriche* 17,2 pour mille ; Etats-Unis, 14,7 pour mille (mais ici la proportion est faussée par la facilité incomparable de la nationalisation) ; France enfin, 29,7 pour mille. • ) -, Pour ce qui touche au droit d’expulsion des étrangers, le premier ministre anglais a refusé 1 avec vivacité le présent que voulait lui faire son prédécesseur. A l’en croire, il n’y a aucune rai; son pour modifier l’éfat de choses actuel. Les : anarchistes n’ont nullement transformé le sol de l’Angleterre en une base d’opération. Us ne profitent nullement de leur impunité et de leur sécurité pour nouer des conspirations et pré parer des attentats. Lord Salisbury aèu, d’a..près son süccesseur, le double tort de répandre ' des calomnies contre son pays et de mettre en circulation des histoires que le patriotisme eût dû lui faire taire, si elles étaient vraies. Investir le gouvernement du droit d’expul’ sion, ce serait l’exposer à de constantes récla mations des autres Etats. Ceux-ci feraient in cessamment appel à l’exercice de cètte nouvelle prérogative. Et alors de deux choses l’une : ou le cabinet de Saint-James se brouillerait avec eux par de trop fréquents refus, ou il mettrait à leur obéir une complaisance qui violerait les ? glorieux précédents, grâce auxquels l’Angle terre a obtenu le renom d’asile de1 la liberté. • Tels soiit les arguments qu’a développés lord Rosebery. TIs n’ont convaincu ni la Chambre, qui a voté malgré lui, ni lord Salisbury, qui eslimé qu’il ne suffit pas de fermer les yeux à un " péril pour le faire disparaître et qui a coura geusement, au risque de faire accuser son pa triotisme, réitéré ses affirmations sur l’utilisa tion par les anarchistes du sol anglais pour la préparation de leurs attentats. En présence de ces déclarations répétées, on . estimera peut-être qu’il faudrait, pour les réfu, ter, autre chose et plus que les vagues formules générales de lord Rosebery. De plus, le premier ministre anglais né semble pas avoir vu que le seul fait de la présentation et du rejet du bill de lord Salisbury modifiera considérablement la ‘ situation morale de son gouvernement. QuRnd il invoquera pour ne rien faire l’état : de la législation britannique, il sera facile de lui • répondre qu’il n’aurait dépendu que de lui de la ; compléter et d’accepter les pouvoirs nécessaires...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - de davonne
- leconte de lisle
- brisson
- leconte
- monod
- debs
- niobé
- lagrange
- hérédia
- stéphane mal
- paris
- catherine
- france
- ossun
- lyon
- chicago
- alsace-lorraine
- angleterre
- lisle
- chalus
- parlement
- etat
- assistance publique
- union postale
- la république
- sénat
- chambre des communes
- seine-et-oise