Extrait du journal
LA CAISSE DE LA DETTE ET L’EXPÉDITION En dehors des graves questions de politique générale que pose la résolution prise par le . gouvernement anglais au nom du gouverne ment général, il se présente, au préalable, une question de voies et moyens dont la solution appartient aux commissaires de la caisse de la dette. Le cabinet de Saint-James demande à prélever sur les fonds de réserve affectés à cette institution en vertu du décret du 12 juillet 1888 îa somme nécessaire à l’entrée en campagne. De par les lois qui ont présidé à l’organisation . de cette caisse et particulièrement de par l’ar ticle 3, paragraphe 3 du décret ci-dessus men tionné, l’autorisation de la commission de la dette est indispensable, pour toute affectation à des objets extraordinaires, des fonds dont la destination normale est de parfaire, en cas d’in suffisance des revenus, les sommes nécessaires au service des dettes dont la caisse est chargée. A deux reprises déjà le cas prévu par ces dis positions s’est présenté : le gouvernement égyp tien, autorisé par son tuteur, a voulu, en don de joyeux avènement du khédive Abbas, abolir la corvée et le droit de patente, au commencement de 1892. Pour pourvoir au déficit ou plutôt au découvert ainsi créé dans le budget d’un exer cice en cours, il a fallu recourir aux réserves disponibles de la caisse de la dette. Quelques mois plus tard, le gouvernement d’Abbas pa cha ayant souhaité accroître de deux, mille hom mes l’effectif de l’armée indigène, il s’est égale ment adressé à ces disponibilités séduisantes qui s’étaient accumulées entre les mains des commissaires de la dette. Dans les deux cas la France fit d’abord des réserves fort naturelles et fort légitimes. Elle demanda des explications, voire des garan ties et des compensations pour les intérêts de la défense desquels, en l’espèce, elle est chargée. Toutefois, elle ne maintint pas inexorablement son attitude négative. Quand elle eût obtenu les satisfactions qu’elle avait cru devoir exiger, elle consentit à sanctionner la désaffectation des sommes du fonds de réserve. C’est ainsi que la question ne s’est pas en core posée pratiquement de l’effet d’un veto fi nal et absolu. Le Times, dans un leading article de ce matin, la tranche dans le sens du droit d’une majorité simple. Si l’on en croit un télé gramme de Berlin au même journal, la Gazette de Cologne professerait la même opinion. Nous nous permettrons de croire que notre confrère anglais va un peu vite en besogne. Il est à noter, tout d’abord, que le texte du décret du 12 juillet 1888 est absolument muet sur ce point. Tout au plus pourrait-on tirer du fait que le paragraphe 3 de l’article 3 parle de l’avis préalable de la commission, et non des commissaires de la dette, c’est-à-dire de l’autorisation collective et non individuelle des membres de ce corps, l’induction que, dans la pensée du législateur, il s’agissait bien plutôt de l’unanimité que de la majorité. En second lieu, le point litigieux n’a pas été tranché dans les deux seuls cas où il aurait pu l’être, puisqu’en fait l’unanimité a fini par s’éta blir. Donc la question est entière. Il ne nous semble pas qu’elle soit insoluble, ni qu’elle doive être uniquement résolue au gré des inté rêts plus ou moins passagers et arbitraires de telle ou telle partie. A notre sens, il suffit de s’en référer aux principes généraux qui dominent la matièrë. Or, de quoi s’agit-il? La caisse de la dette est en quelque sorte un corps de syndics chargés de veiller à l’exécution du concordat entre le gou vernement égyptien débiteur, et ses créanciers. Chacun de ces commissaires représente une masse de créanciers égaux en droits à tous les autres et nul d’entre eux n’a le droit, par ses actes, de compromettre le gage acquis à l’en semble de ces créanciers. Dans ces conditions, chacun des commissai res ne peut stipuler que pour soi ; procéder à la majorité simple et absolue serait agir ultra vires ; la nécessité de l’unanimité résulte de ces fort simples considérations juridiques, qui sont d’autant plus applicables à l'espèce que la caisse de la dette, tout en étant forcément une institu tion de droit public, rentre dans la catégorie du droit privé en ce qui touche à la matière des obligations. Du reste, s’il ressort de cet exposé que la France croit devoir maintenir la nécessité de sa sanction préalable, il en résulte tout uniment qu’il appartient au cabinet de Saint-James, le vrai auteur de ce projet, de le motiver sérieu sement auprès du gouvernement de la Républi que. On invite tout simplement lord Salisbury à mettre de côté tous les prétextes et toutes les défaites dont il a cru pouvoir payer de dociles partisans et à offrir aux commissaires des puis sances des arguments propres à les convaincre. Sur ce point la France verra avec elle, non seulement, comme l’indique le langage même de la Gazette de VA llemagne du Nord et de la Gazette de la Croix, l’Allemagne, si disposée qu’elle puisse être à faire plaisir au cabinet de Baint-James, mais encore l’opinion publique...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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