Extrait du journal

LIVRE DEUXIÈME (Suite) « C’est une curieuse sensation que de con duire, un cheval, de tenir les rênes, ce que je n’avaïs fait depuis des années, pensait Frédéris. » Et toutes sortes d’anecdotes chevalines ou bliées depuis longtemps lui revenaient en mé moire. Il se remémorait de vieilles histoires de chasse de son père, qui si souvent les avaient égayés, à là veillée, confortablement assis en famille autour du feu! Son cœur rajeunissait, se rafraîchissait au cours de cette longue randonnée dans la.cam pagne. Les plüs doux souvenirs de son enfance lui revenaient en foule. Il se rappelait de ro mantiques promenades en forêt, quand, ren trant à la nuit de quelque lointaine excursion, la voiture roulait silencieusement sur la mousse; et le cœur, de l’enfant se gonflait de rêves, son imagination peuplait les grands bois obscurs de mille images surnaturelles, chasses fantas tiques, fées, gnomes et lutins... Entouré des champs blancs* de neige, respirant un air glacé mais salubre, Frédéric sentait l’espoir et la joie remplir son cœur. La vie désormais ne lui sem blait plus qu’une partie de plaisir sans fin. Soudain il pâlit et passa les rênes à Peter Schmidt. Au milieu du glissement du traîneau il 'venait de ressentir comme une violente dé charge électrique. Un frisson glacé parcourut tout son corps ; une sueur froide perla à son front. Tandis que Schmidt, à qui l’émotion de son ami n’avait pas échappé, arrêtait le cheval, Frédéric reprenait son sang-froid. Il ne dit pas la vérité : c’est qu’il s’était cru encore au mo ment où le Roland avait sombré, se contentant d’alléguer que le bruit continu du traîneau avait fini par lui déchirer le tympan... On apercevait maintenant à peu de distance l’éclat du lac de Hanovre amorti.par la neige;...