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Le Temps, 21 février 1892

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Le Temps
21 février 1892


Extrait du journal

politiques dont nous parlons? Ils succèdent parfois à des crises violentes, trop souvent sanglantes, au mi lieu desquelles les gouvernements préexistants dispa raissent en fait ; voilà l’anarchie qui domine ; bientôt l’ordre public est bouleversé'jusque dans'ses fonde ments. Dès lors une nécessité sociale s’impose à la nation ; elle doit, sans retard, pourvoir à elle-même» Comment n’aurait-elle pas le droit, et plus encore lo devoir de se défendre contre un état de choses qui la trouble si profondément, et de rétablir la paix publi que dans la tranquillité de l’ordre? Or cette nécessité sociale justifie la création et l’existence des nouveaux gouvernements, quelque forme qu’ils prennent, puis que; dans l’hypothèse où nous raisonnons, ces nou veaux gouvernements sont nécessairement requis pat l’ordre public, tout ordre public étant impossible sans un gouvernement. Il suit de là que, dans de sembla bles conjonctures, toute la nouveauté se borne à. la . forme politique des pouvoirs civils, ou à leur mode de transmission ;telle n’affecte nullement ie pouvoir con sidéré en lui-même. Celui-ci continue d’être Immua ble et digne de respect; car, envisagé dans sa nature, il est constitué et s’impose pour pourvoir au bien commun, but suprême qui donne son origine à la so ciété humaine. En d’autres termes, dans toute hypo thèse, le pouvoir civil, considéré comme tel, est de Dieu et toujours de Dieu : « Car il n’y a point de pou voir si ce n’est de Dieu ». Par conséquent, lorsque les nouveaux gouverne ments qui représentent cet. immuable pouvoir sont constitués, les accepter n'est pas seulement permis, mais réclamé, voire imposé par la nécessité du bien social qui les a faits et les maintient. D’autant plus que l’insurrection attise la haine entre citoyens, provoque les guerres civiles et peut rejeter la nation dans le chaos de l’anarchie. Et ce grand devoir d« respect et de dépendance persévérera, tant que les exigences du bien commun le demanderont, puisque ce bien est, après Dieu, dans la société, la loi pre mière et dernière. Par là s'explique d’elle-même la sagesse de l’Eglise dans le maintien de ses relations avec lës nombreux gouvernements qui se sont succédé en France, en moins d’un siècle, et jamais sans produire des secous ses violentes et profondes. Une telle attitude est la plus sûre et la plus salutaire ligne de conduite pour tous les Français, dans leurs relations civiles avec la République, qui est le gouvernement actuel de leur nation. Loin d’eux ces dissentiments politiques qui les divisent; tous leurs efforts doivent se combiner pour conserver ou relever la grandeur morale de leur patrie. La législation Mais une difficulté se présente : « Cette République, fait-on remarquer, est animée de sentiments si anti chrétiens que les hommes honnêtes, et beaucoup plus les catholiques, ne pourraient consciencieusement l'accepter. » Voilà surtout ce qui a donné naissance aux dissentiments et les a aggravés. On eût évité ces regrettables divergences, si l’on avait su tenir soigneusement compte de la distinction considérable qu’il y a entre pouvoirs constitués et législation. La législation diffère à tel point des pouvoirs politiques et de leur forme que, sous le régime dont la forme est plus excellente, la législation peut être détestable ; tandis qu'à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation, Prouver, l’histoire à la main, cette vérité, serait chose facile ; mais à quoi bon ? Tous en sont convaincus. Et qui mieux que l’Eglise est. en mesure de le savoir, elle qui s’est efforcée d’entretenir de» rapports habituels avec tous les régimes politiques? Certes, plus que toute autre puissance, elle saurait dire ce que lui ont souvent apporté de consolations ou de douleurs les lois des divers gouvernements qui ont successivement régi les peuples, de l’empire, ro main jusqu’à nous. Si la distinction tout à l’heure établie a son impor tance majeure, elle a aussi sa raison manifeste ; la législation est l'œuvre des hommes investis du pou voir et qui, de fait, gouvernent la nation. D’où il ré sulte qu’en pratique la qualité des lois dépend plus de la. qualité de ces hommes que de la forme du pou voir. Ces lois , seront donc bonnes ou mauvaises, selon que les législateurs auront l’esprit imbu de bons ou de mauvais principes, et se laisseront diriger, ou par la prudence politique ou par la passion. Qu’en France depuis plusieurs années, divers actes importants de la législation aient procédé de tendances hostiles à la religion, et, par conséquent, aux intérêts de la nation, c’est l’aveu de tous, malheureusement confirmé par l’évidence des faits. Nous-même, obéis sant à un devoir sacré, nous en adressâmes des plain tes vivement senties à celui qui ôtait alors à la tête de la République. Ces tendances cependant persistèrent, le mal s’aggrava, et l’on ne saurait s’étonner que les membres de l'épiscopat français, placés par l'EspritSaint pour régir leurs différentes et illustres églises, aient regardé, encore tout récemment, comme une obligation, d’exprimer publiquement leur douleur, touchant la situation créée en France à la religion ca tholique. Pauvre France I Dieu seul peut mesurer l’a bîme de maux où elle s’enfoncerait si cotte législa tion, loin de s’améliorer, s’obstinait dans Une telle déviation, qui aboutirait à arracher de l’esprit et du cœur des Français la religion qui les a faits si grands. Et voilà précisément le terrain sur lequel, tout dis sentiment politique mis à part, les gens de bien doi vent s’unir comme un seul homme pour combattre, par tous les moyens légaux et honnêtes, ces abus pro gressifs de la législation. Le respect que l’on doit aux pouvoirs constitués ne saurait l’interdire ; il ne peut importer ni le respect, ni beaucoup moins l’obéissance sans limites à toute mesure législative quelconque, édictée par ces mêmes pouvoirs. Qu’on ne l'oublie pas, la loi est une prescription ordonnée selon la rai son et promulguée, pour le bien de la communauté, par ceux qui ont reçu à cette fin le dépôt du pouvoir. En conséquence, jamais on ne peut approuver des points de législation qui soient hostiles à la religion et à Dieu : c’est, au contraire, un devoir de les ré prouver. C’est ce que le grand évêque d'Hippone, saint Augustin, mettait en parfaite lumière dans ce raison nement plein d’éloquence : « Quelquefois, les puis» sances de la terre sont bonnes et craignent Dieu ; » d’autres fois, elle ne le craignent pas. Julien élail » un empereur infidèle à Dieu, un apostat, un pervers, » un idolâtre. Les soldats chrétiens servirent cet em» pereur infidèle. Mais dès qu’il s’agissait de la cause » de Jésus-Christ, ils ne reconnaissaient que Celui c;ii: » est dans le ciel. Julien leur prescrivait-il d’honoret » les idoles et de les encenser, ils mettaient Dieu au» dessus du prince. Mais, leur disait-il : Formez vos » rangs pour marcher contre telle nation ennemie : à » l'instant ils obéissaient. Ils distinguaient le Maître » éternel du maître temporel, et cependant, en vue du » Maître éternel, ils, se soumettaient même à un tel » maître temporel. » Nous le savons, l'athée, par un lamentable abus de sa raison et plus encore de sa vo lonté, nie cés principes. Mais, en définitive, l'athéisme...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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