Extrait du journal
tion et de sacrifice sont portés si haut. Avec un légi time orgueil, nous pouvons dire que, dans les bons comme dans les mauvais jours, les enfants de nos montagnes se sont constamment montrés envers la France des fils pieux et dévoues jusqu’à la mort ! Vous le savez, monsieur le président, vous qui, en Tannée terrible, avez pu voir, dans notre pays, avec quelle ardeur opiniâtre et quelle sombre résolution les Savoyards se sont jetés dans la lutte pour la défensa nationale. Le patriotisme de la Savoie n’a d’égal que son hor reur de la dictature, sous quelque forme qu’elle se présente, et sa passion pour la liberté ; aussi notre pays est-il irrévocablement attaché à la République, car nous comprenons que, seul, ce régime est compatible avec le développement calme et incessant de la démo cratie, avec la réalisation du progrès social vers le quel doit marcher d’un pas régulier et ininterrompu un peuple comme le nôtre, maître de ses destinées et mé ritant de l’être. Cet amour de la France et de la République, nous le proclamons bien haut devant vous, monsieur le pré sident, qui incarnez si complètement le civisme et la sagesse républicaine ; nous vous en faisons hommage pour la patrie dont vous êtes le représentant le plus autorisé et le plus digne. Au nom delà ville de Chambéry, et je dirais au nom des populations de la Savoie, si une voix plus autori sée ne devait parler en leur nom, en levant mon verre pour boire au chef de la nation, je jure ici que, si nous sommes les derniers venus dans les rangs de la fa mille française, la patrie n’a pas de fils plus ardem ment dévoués à elle que les Savoyards. Je porte la santé de notre hôte illustre : A monsieur Carnot, président de la République ! Le préfet a pris à son tour la parole et a rappelé la joie patriotique avec laquelle les Savoyards sa luèrent les événements de Grenoble et de Vizille : L’irrésistible mouvement d’opinion qui en fut la con séquence aboutit au vote par lequel, en 1792, l’assem blée nationale des Allobroges émit un vœu solennel d’annexion à la France. La Convention ne fit que rati fier ce vœu en décrétant la réunion de la Savoie à la République française. C’est en effet de ce libre consentement des deux peuples qu’est né le droit historique, dont il a été tenu compte en 1860, et qui a eu pour effet d’unir cette fois d’une façon indissoluble la grande et la petite France, séparées pendant des siècles, quoique n’ayant jamai» eu qu’un langage, qu’un cœur et qu’une âme. Le préfet a terminé ainsi : Les sentiments de la Savoie, vous le savez, monsieur le président de la République, n’ont pas varié depui3 les temps héroïques de la Révolution française. Vous connaissez ces populations parmi lesquelles vous avez séjourné. De leur côté, je l’affirme, elles se souviennent de vous avec une vive gratitude, et je puis dire qu’en venant présenter leurs hommages au chef de l’Etat elles ont été attirées sur votre passage par un senti ment de respectueuse sympathie. J’ajouterai, monsieur le président, qu’elles ont cer tainement voulu montrer aussi parleurs acclamations que le nom glorieux de l’organisateur de la victoire, votre illustre aïeul, est resté profondément gravé dans la mémoire du peuple. Daignez me permettre de me faire ici leur interprète, monsieur le président de la République, et de vous adresser respectueusement le salut reconnaissant do la Savoie patriote et républicaine. En réponse à ces discours, qui avaient valu à M. le président de la République de véritables ovations, M. Carnot a prononcé une courte allocution. Il a dit qu’il avait écouté avec une patriotique émotion les chaleureuses paroles qui lui avaient été adressées au nom de la ville de Chambéry et du département de la Savoie. Il a continué ainsi : « Je suis reconnaissant envers l’assemblée tout entière d’avoir bien voulu, par ses acclamations, manifester qu’elle accueillait ces paroles avec sympathio. (Applaudissements.) » Je viens de passer une bien belle journée ; elle me laissera un impérissable souvenir. Ces acclama tions, que j’ai recueillies dans votre ville et à Aix, ces acclamations qui s’adressaient à la France, car elles ne s’adressaient pas à un homme, je les ai gravées dans mon cœur et jamais je ne les oublierai. (Applaudissements prolongés.) » Depuis tantôt vingt-quatre ans, je connais et j’aime les populations de la Savoie; je les ai vues dans des moments pénibles et douloureux, je les ai vues en 1870, et j’ai constaté, comme on le rappelait tout à l’heure, leur patriotisme, leur enthousiasme, leur dévouement, les sacrifices auxquels elles sa condamnaient et auxquels elles étaient toujours dis posées pour venir au secours de la patrie blessée. (Nouveaux et chaleureux applaudissements.) Je les avais vues, quelques mois auparavant, manifester hautement leur indépendance et alors que, sous la forme d'un plébiscite, on avait la prétention do capter leurs suffrages, en ce moment môme, elles répon daient fièrement: « Non! » (Applaudissements répé tés.) Eh bien ! messieurs, depuis ce moment, j’ai été fier d’avoir deux de mes fils Savoyards par droit de naissance! (Salve d'applaudissements.) » Aujourd’hui, en parcourant les rues de votre ville, quoique nous soyons dans une période qui no ressemble guère à celle de 1870, j’ai senti mon cœur frémir de nouveau et battre d’un amour patriotiquo pour la belle Savoie, et, comme tout à l’heure • on parlait de la petite France, je me disais : il n’y en a plus, il n’y a qu’une France, une et indivisible ! C’est au nom de la France une et indivisible que je porte un toast en buvant à la Savoie et à la ville de Chambéry. » Une triple salve d’applaudissements, qui se mê laient aux cris de : « Vive Carnot ! » a salué la fin des éloquentes paroles de M. le président de la Ré publique. M. Carnot a ensuite remis la croix de la Légion d’honneur à M. Vallory, instituteur public à Aiton, et il a proclamé l’élévation du général Du Bessol au grade de grand-officier de la Légion d’honneur. En remettant la croix de chevalier à M. Vallory, M. Carnot a dit : « Tout à l’heure, messieurs, on a éveillé un sou venir qui m’est cher. On a rappelé que mon pèra avait été ministre de l’instruction publique en 1848 et qu’il avait préparé l’œuvre de l’instruction gra tuite et obligatoire. Dans ma famille, l’amour de l’instruction est resté le même, et je suis heureux...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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