Extrait du journal

III — Suite Giorgio raconta, atténuant là rudesse de‘ses propres paroles,' à cause du petit serviteur dont on voyait les yeux briller dans la pénombre comme des escàrboucles et qui écoutait de tou tes ses oreilles.. —Tu as eu tort, répéta le docteur, à la fois sé rieux et goguenard. Crois-tu que tu pourras vivre indéfiniment de cette manière baroque? Détrompe-toi,mon garçon... . — Vivre! répéta Giorgio douloureusement. C’est de mourir qu’il faut parler ici, et moi je veux mourir en paix. Mais le docteur se mit à crier, cognant la terre furieusement avec sa grosse canne, répé tant à son tour les paroles du malade. — Mourir! Sottise! Il te faut panier de mou rir? Qui dit cela? Les médecins de là-bas? Tous des ânes. Dis-le leur de ma part. Si tu te disposais à mourir, tu peux m’en croire, tu n’aurais pas la. langue si bien -pendue. Ta, pa ralysie? Bah! cela passera. J’ai été plus bas que toi, moi qui te parle, et vois si je suis mort! — Oh, mais vous... vous êtes fort, un hercule ! Solide de toutes façons... — A ton âge, j’étais aussi fluet et aussi bête que toi. Gomme toi, je partais constamment en guerre contre les moulins à vent. La race des Don Quichotte ne se perdra jamais. Le temps, mon cher Jorgeddu, se chargea de me faire voir ma folie; il m’apprit à distinguer le vrai du faux. Je renonçai à poursuivre un ennemi chimérique, pour combattre le véritable, celui que chacun porte au-dedans de soi. Je lui tor dis le cou et une fois l’exécution faite je me mis à boire, à) manger, à dormir , à respirer le bon air comme un être raisonnable, et je de vins tel que tu me vois. Imite mon exemple; tu t’en trouveras bien. Chasse' tes lubies d’a bord, la maladie ensuite, et quand tu seras...