Extrait du journal

La Chambre a obéi certainement à différents mobiles en se prononçant contre le ministre qu'elle acclamait encore il. y a peu de jours; elle savait, à ne plus en douter, que M. Delyannis est mal vu des puissances, qu'il serait un obstacle à toute entente puis comme, somme toute, il fallait une fin à tout'et que la fièvre belliqueuse était à son déclin en Grèce, elle préférait confier la liquidation à un homme moins compromis. Une autre préoccupation hantait aussi la majorité; M. Delyannis n'avait pas caché son intention de demander au roi la dissolution de la Chambre; c'était la chance d'une nouvelle élection à courir, et pour plus d'un député la certitude de ne pas être renommé. Ce petit côté de la question a peut-être eu plus d'influence encore sur la Chambre que les considérations d'un ordre plus élevé. M. Tricoupis a constitué son cabinet. Après avoir vu au pouvoir un ministre pacifique qui se donnait des allures belliqueuses, nous allons assister à la tactique d'un ministre belliqueux qui n'affichera que des intentions pacifiques. En réalité, M. Tricoupis ne pourra faire autre chose que M. Delyannis ou tout autre personnage appelé au pouvoir dans des circonstances aussi difficiles, c'est-à-dire le désarmement sans restriction. Une dépèche d'Athènes, cependant, nous annonce que la démobilisation ne se fera peut-être pas immédiatement. Les Turcs auraient pris tout à coup sur la frontière thessalienne une attitude menaçante, et plusieurs postes grecs auraient été attaqués -par eux. Est-ce une simple escarmouche, "qui ne se répétera pas dès que le quartier général turc en aura été avisé? On ne sait encore; il serait dificile de comprendre la subite entrée en ligne de la Porte au moment où son adversaire est prêt à désarmer. En tout cas, M. Tricoupis a ajourné son ordonnance de démobilisation. Il ne croit pas non plus devoir informer les puissances des mesures qu'il va prendre à son avis, les relations de la Grèce avec les gouvernements européens sont rompues depuis le départ des ministres étrangers, et il se complaît à agir sans se soucier du blocus de l'escadre internationale, dont il ne demandera même pas la levée....