Extrait du journal

On sait que M. Basly a déposé une interpellation sur les grèves du Pas-de-Calais et les incidents qui les ont accompagnées. C’est demain, ou plus probable ment après-demain, que viendra la discussion. Tout est tranquille, d’ailleurs, dans cette région, d’où notre correspondant spécial nous envoie les renseignements suivants, recueillis sur place et qui, quoique rétro spectifs, ne seront pas sans intérêt. J’ai interrogé au cabaret un délégué mineur, qui m’a répondu dans son langage imagé : « Ah ! il en rappliquait des Belges: des deux cents, des cinq cents on huit jours, des nuées, quoi I Et puis ls se fichaient de nous quand on partait pour les treize jours, les vingt-huit jours, obligés de lais ser femme et enfants se débrouiller avec la petite subvention de la compagnie. Sans compter que pas mal des réservistes avaient des Belges en pension chez eux, des garçons. Ils avaient raison de se mé fier, des fois. En treize jours, il s’en passe, des choses I » Voilà que,le 14 août dernier (c’étaitla paye), une bande do ces Belges se met à courir les estaminets de Liévin. Naturellement, on s’est cogné. Et puis, le lendemain (c’était le 15 août, grande fête: on boit pas mal, n’est-ce pas ?) les batailles ont continué. De Liévin, le remue-ménage a gagné Lens ; on a cassé les carreaux des Belges,' on leur a jeté de la boue, abîmé leurs portes, et puis, quand la police est ar rivée et qu’on a condamné îes amis à des deux, trois mois, les petits galibots ont pris leur place. Ils allumaient des bottes de foin sous les fenêtres ébréchées, ils enfumaient les Belges comme des la pins. Alors, leurs délégués sont venus; ils ont causé avec Basly et Lamendin, et ils ont déclaré à leurs compatriotes que les compagnies les avaient fait venir pour nuire à leurs frères français, que ce qu’ils pouvaient faire de mieux, c’était de s’on aller, lis n’avaient pas attendu ça. Ils partaient plus vite qu’ils n’étaient venus; la gare do Lens était si pleine ae leurs effets qu’on ne savait plus où les mettre ! Ah I c’était drôle, cette débandade, c’était comique I Seulement, il y en a eu pas mal qui so sont sauvés qu’on aurait mieux voulu qu’ils restent: vous savez, ceux qui avaient des dettes 1 Ils ont profité de l’his toire pour déménager à la cloche de bois. » Voilà les faits extérieurs; voyons un peu ce qu’ils signifient: , Il y a dans le département du Nord 310,000 ha bitants d’origine belge, dont 20,000 naturalisés fran çais. C’est dire que 290,000 gardent leur statut per sonnel, échappent à nos lois militaires et jouissent ainsi d’un très grand avantage. Dans le Pas-de-Ca lais, le nombre des Belges non naturalisés est de 19,000. Sur ce chiffre, 15,000 environ résident dans les arrondissements de Béthune et d’Arras, et il est permis de croire qu’une grande partie d’entre eux est employée, directement ou indirectement (car ils émi grent avec leur famille), dans les charbonnages, qui constituent la grande industrie de la région. A Drocourt, 75 0/0 des mineurs sont belges. A Lens, à Liévin, cette proportion est do 10 à 12 0/0. Il est vrai que les mineurs discutent ce chiffre, donné par les compagnies. Ils prétendent qu’elles ne comptent comme Belges que les nouveaux arrivants, les ré sidents d’ancienne date étant considérés comme Français. Les ingénieurs dés compagnies sont de très bons Français. Ils ont aussi, on général, un très grand souci de leur responsabilité morale. Je l’ai constaté presque partout, et je tiens à le dire. Ils ont donc,...