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Le Temps, 25 août 1894

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Le Temps
25 août 1894


Extrait du journal

qui viennent les observer traîtreusement pour en par ler avec malignité. * Voilà pour les bains de mer. Passons à la coéducation des sexes, à la religion et au patriotisme. fa La coéducation des sexes n’a pas dit son dernier mot ; on la pratique aux Etats-Unis, en Suisse, en Holîande. On ne semble pas s’en trouver si mal ; le tout, c est de la praüquer avec tact et mesure. Grâce à elle, les hommes deviendront peut-être plus respectueux de la liberté morale des femmes. Leur imagination, moins surchauffée dans l’enfance, cédera le pas au sentiment du devoir. Je vois, je vous l’assure, sans enthousiasme les merveilles morales, au point de vue des mœurs, de nos collèges de garçons ou de filles, et je crois qu'il y aurait progrès à tendre, avec modération, vers une ré forme sérieuse dans le sens de l’éducation mixte. Le reproche que l’on pourrait faire à ce sujet à M. Robin est d’être allé trop vite. La leçon d’obstétrique, par exemple, est un peu au-dessus de l’âge de ces enfants. Il est vrai que ce qui nous choque aujourd’hui nous semblera peut-être admissible demain et indispensable après-demain. L’éducation religieuse et patriotique est, je l’avoue sans réserve, ce qu’il y a de plus critiquable â Cem puis. L’intervention m’y paraît certaine, et la neutralité violée. Ce n’est plus là un enseignement laïque. C’est une religion, analogue au bouddhisme, dans laquelle on élève des enfants incapables d’apprécier critiquement les doctrines qu’on leur présente. Tout déiste que je suis, je ne vois pas avec terreur cette opinion philosophique se propager chez les adultes; mais chez des enfants, c’est la confiscation de leur liberté mo rale. Là est le mal. Quant à la question de patrie, c’est plus grave en core; l’enfant peut aimer sa patrie sans avoir besoin de raisonner, comme il aime ses père et mère. Lui en seigner philosophiquement que l’humanité est au-des sus de la patrie, c’est trop demander, si tant est que ce n’est pas une erreur, à son cerveau et à son cœur. Ne lui enseignez jamais la haine de l’étranger, soit ; mais cultivez du moins chez lui l’amour de la patrie. Il vous comprendra; cela c’est de son âge. Somme toute, il semble y. avoir à Cempuis moins de mal qu’on ne l’a dit... , Agréez, monsieur le rédacteur en chef, Tassurance de ma considération distinguée. ALPH. COUHTOIS. Nous avons tenu à publier la lettre de M. Courtois, qui plaide en faveur de M. Robin les circonstances atténuantes. Du,reste, notre article d’hier admettait qu’une certaine amélioration avait pu se produire à Cempuis au point de vue de la décence et de la pro miscuité des sexes. Nous avions recueilli cette in dication, au cours de notre enquête impartiale, au près de ces mômes personnes que M. Courtois croit systématiquement défavorables à M. Robin. Lo gouvernement va, lui aussi, faire procéder à une enquête. Le directeur de l’école de Cempuis paraît‘avoir beaucoup et de puissants amis. Il ne sera pas en peine de se défendre, s’il a été injustement accusé sous le rapport de la moralité de son systè me. Déjà, il a eu l’approbation de ses supérieurs hiérarchiques et des inspecteurs qui avaient amica lement examiné sa méthode. C’est un grand point. Attendons cependant l’enquête officielle : cette fois, il faudra la faire au grand jour, et non pas dans un crépuscule complaisant. « Somme toute, nous écrit M. Courtois, il semble y avoir à Cempuis moins de mal qu’on ne l’a dit... » C’est faire trop bon marché des déclarations antipa triotiques du directeur de l’école de Cempuis. Que faudrait-il donc que M. Robin eût enseigné à ses élèves, pour qu’il y ait vraiment « plus de mal » ? Accordons (ce qui n’est pas encore prouvé) que l’on ait exagéré le péril de la promiscuité des sexes et de l’enseignement intégral donné aux enfants de Cempuis; accordons que les adversaires ouïes en nemis de M. Robin aient propagé des racontars sans consistance; accordons que le système de la cohabi tation est l’idéal de la pédagogie... Il reste l’ensei gnement antipatriotique. Et ici, nous ne sommes pas informés par des voisins malveillants; nous avons les franches déclarations de M. Robin luimême. Ne suffisent-elles pas? Si l’on veut faire des expériences scolaires, qu’on les fasse en dehors de l’estampille de l’Université, que ces abus risquent de discréditer singulièrement. Et surtout, que l’on ne soumette pas à cette défor mation morale de pauvres enfants abandonnés que personne, ni parents ni amis, ne défend contre les fantaisies d’un éducateur trop original. Il est probable que ce n’est pas d’aujourd’hui que M. Robin a le courage de ses opinions. Comment se fait-il que les inspecteurs généraux et l’inspectrice générale qu’on envoya naguère à Cempuis ne lui aient pas dit de réformer son enseignement et n’en aient pas référé au ministre ? Y a-t-il tant d’« inter nationalistes », et de si influents, au ministère de l’instruction publique ?. On ne peut que louer l’honorable M. Georges Leygues de vouloir enfin connaître la vérité sur tous ces points. ,. 4 ' ■— AFFAIRES COLONIALES...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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