Extrait du journal
A CÇMPUIS Il nous a paru sage d’attendre, avant de nous livrer à aucun commentaire, les résultats de la rapide enquête qu’un de nos collabora teurs a été faire sur place. Gette enquête n’a malheureusement pas détruit les allégations principales qui ont été dès le premier moment portées contre ce singulier établissement. Ecar tons tout de suite la question de tenue des élèves au dehors de la maison, puisque aussi bien on en est réduit à juger sur des rapports qui peuvent ne pas être tous bienveillants, ni même impartiaux; et puisqu’en outre, devant les protestations ou les réclamations du voisi nage il se serait produit, paraît-il, une amélio ration récente. Il suffit d’ailleurs de s’appuyer sur les aveux du directeur, d’invoquer les faits pleinement reconnüs par lui et présentés comme les applications naturelles, légitimes, des vues théoriques auxquelles il se réfère pour trouver de quoi reprendre à l’esprit de l’institution. Ce n’est pas que la coéducation nous paraisse en elle-même chose monstrueuse. D’autres pays la pratiquent, et, si elle offre, même dans ces pays, certains inconvénients, elle n’est pas non plus sansavantages. Mais, outre que le tempé rament des jeunes Français et des jeunes Fran çaises rend peut-être l’expérience plus délicate chez nous, il n’est pas inutile de faire ressortir la différence qui existe entre une école où les enfants, les adolescents, se trouvent rapprochés durant quelques heures dans la salle de classe, dans les jardins et les cours de récréation, et un établissement hospitalier où ils vivent en com mun. Ce n’est plus seulèment de la coéducation, c’est de la cohabitation. Sans doute, à Cempuis, garçons et filles prennent, les uns l’escalier de droite ou la porte de droite, les autres l’escalier de gauche ou la porte de gauche, quand ils se rendent au dortoir. Il est même fort heureux que l’on ait cru devoir faire cette concession aux vieux préjugés et aux vieilles méthodes. Suffit-elle pour écarter des périls sur lesquels il nous déplairait d’insister? Nous craignons fort que non et qu’il y ait quelque sophisme à légi timer le système appliqué à Cempuis par des exemples empruntés à l’Amérique, à la Suisse ou à la Norvège, alors que ces exemples, autant qu’il nous en souviënt, sont surtout fournis par des écoles où l’étude seule et le jeu se passent en commun, et non le reste de la vie. Faut-il, d’autre part, partir en guerre contre l’éducation positiviste telle qu’on la comprend à Cempuis, car il n’èst pas inutile de faire re marquer que les disciples d’Auguste Comte et ceux de M. Laffitte ne seraient probablement pas unanimes à l’approuver ? Ici encore nous nous flattons de voir les choses d’une manière libérale. Que les positivistes ouvrent des écoles pour y appliquer leurs principes, c’est un droit sacré. Seulement, ces écoleslibres se recruteront évidemment dans des familles qui auront fait adhésion formelle au positivisme. Les pères y mettront leurs enfants parce qu’ils seront con vaincus, à tort ou à raison, que nulle part ailleurs ils ne recevraient une éducation aussi rationnelle, aussi profitable. Cempuis étant urt ' orphelinat, les choses s’y passent autrement. C’est le hasai’d qui décide seul si tels ou tels malheureux petits, privés de leurs parents, iront là ou ailleurs. Un hasard contraire aurait pu les diriger sur une maison religieuse. Fran chement, nous ne saurions ni admirer ni même admettre un système qui fait aussi large la part de l’arbitraire. Conçoit-on que, chaque année, une portion d’entre les orphelins de l’Assistance publique soit ainsi livrée, de par la loi, aux médecins allopathes, et une autre aux médecins homéopathes, sous prétexte de fournir à ces deux écoles, qui nourrissent l’une et l’autre la prétention d’être dans la vérité, une matière à expériences? Ce serait absurde ; pas beaucoup plus que la prétention du Conseil général de la Seine à parquer les orphelins que le sort lui confie dans le positivisme de M. Robin. Mais que dire, surtout, des idées qui régnent à Cempuis au sujet de la patrie et du devoir militaire? Sur les questions religieuses et méta physiques, sur les questions pédagogiques, tous les dissentiments se comprennent. Sur la ques tion du devoir envers la patrie, ils cessent d’être légitimes. N’est-ce pas la la religion qui, à dé faut d’une autre, doit unir tous les Français? N’est-ce pas là le terrain sur lequel il est, tout en semble, le plus nécessaire et le plus facile de se rencontrer et de se tenir fortement serrés les uns contre les autres? Or, à Cempuis, le « pré jugé patriotique » est un de ceux qui obtiennent le moins d’indulgence. La direction veut bien déclarer qu’elle n’enseigne pas à « détester la France » et même qu’elle a sa façon de l’aimer. L’expression de cet amour nous paraît, pour le dire en passant, un peu froide : ■ Nous aimons l’agglomération politique où le hasard nous a fait naître et où tous ceux qui l’habitent jouis sent des mêmes avantages que nous et, ajoutons-le à regret, souffrent des memes maux. N’importe, il y a mieux. Le patriotisme, à un moment donné, exige de tous non seulement l’accomplissement, mais l’acceptation joyeuse, ardente, du devoir militaire. Ici, la direction de...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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