Extrait du journal

pour nous un mystère impénétrable ; mais il y a un point qui est acquis, c’est que les altéra tions de l’organe influent sur la pensée ellemême. Personne n’oserait plus soutenir que la raison est une chose qui peut totalement se troubler, comme elle se trouve trouble chez les aliénés, sans qu’il existe une lésion, un état pa thologique du cerveau. Personne n’oserait non plus soutenir que le. travail de l’intelligence puisse s’accomplir dans toute sa perfection chez des individus dont la substance cérébrale est absolument transformée physiquement et chimiquement. Ne prononçons pas ici les mots dangereux et troublants de matérialisme, de spiritualisme; osons seulement regarderies choses en face et nous avouer à nous-mêmes que cette raison, qui est notre privilège, notre honneur et notre force, est liée de mille manières à l’existence et à la santé d’un organe, de même que notre vie ellemême est liée aux conditions particulières des matériaux . qui composent notre corps. Cette vérité n’a rien qui doive nous exal ter et nourrir notre orgueil ; elle est plutôt faite pour nous humilier et pour nous ensei gner la défiance ; notre raison est comme un de ces beaux, navires qui semblent devoir tou jours défier les vents et les tempêtes et rester les souverains de la mer et qui peuvent ve nir échouer misérablement sur des récifs in connus. La physiologie a attaqué le. problème de la pensée, comme un ingénieur attaque une for teresse avec des parallèles et des tranchées. Comment espérer qu’on entrera d’emblée dans ce fort ? Il faut en étudier d’abord les appro ches. Et de ces approches, y en a-t-il une plus facile à aborder que la parole?Non, assurément, car nous ne savons pas penser sans parler ou aux autres ou à nous-mêmes ; chaque pensée a ; son signe, son symbole ; si donc nous arrivions à connaître à fond le mécanisme de la parole articulée, sa création, ses transformations, ses lois, nous nous serions acheminés vers le pro- : blême fondamental de la formation de la pensée. Les physiologistes ont procédé ici comme . ils ont fait partout : ils ont cherché les lois de...