Extrait du journal
Le sort en est jeté : la 'France à; un nouveau • franc. Ce matin, le Journal officiel publie la loi qui le fixe. En même temps, il donne le compte rendu des débats qui, à la Chambre et au Sénat, ont finalement abouti à ^approbation du projet gouvernemental. Les lecteurs du Temps ayant eu sous 'les yeux le texte des documents parlementaires relatifs aux bases nouvelles de notre régime monétaire, et toutes 'les explications utiles y ayant été jointes, on n’aurait plus guère, peutil sembler, qu’à s’incliner devant le fait ac compli. Quelques réflexions, d’ordre général, s’imposent cependant. Elles ne vont pas sans mélancolie. L’événement qui vient de se produire à de graüdes chances d’apparaître, avec le recul des ans, comme l’un des plus considérables de notre histoire. Il consiste — a dit l’exposé des motifs du projet gouvernemental — en « l’abandon de l’étalon monétaire que la France avait pu conserver depuis la loi du 17 germinal an XI jusqu’au mois d’août 1914, malgré la gravité des crises politiques et éco nomiques qu’elle avait traversées ». Même après la loi du 5 août 1914, visée dans cette phrase, — loi déclarant soumis au cours forcé les billets de la Banqüe de France et de la Banque d’Algérie, — l’étalon monétaire qui avait défié et surmonté tant de crises subsis tait, d’ailleurs. Les billets de banque en circu lation avaient bien cessé de donner droit à un remboursement immédiat en espèces; mais cette suspension du droit, déjà antérieurement prononcée, n’avait nullement touché au ré gime monétaire lui-même. Pas plus qu’en 1870, il n’avait été détruit, .en 1914. H l’est, mainte nant. Au franc ancien un nouveau franc succédé. Ce qui disparaît, ce n’est pas seulement le sys tème du double , étalon — système devenu peu à. peu platonique, puisque l’or avait fini par supplanter l’argent. La transformation est au trement profonde •: l’Etat consacre la dépré ciation du billet de banque, et, par la nouvelle loi, il' crée un franc or dont la valeur tombe au niveau du franc papier avili. Rien n’est changé à rien, a-t-il été affirmé : un billet de banque, portant la mention de 100 francs, va continuer d’être reçu en paye ment pour 100 francs. Personne, ■ donc, sans doute, ne s’apercevra de quoi que ce soit. Si une modification est néanmoins observée, elle sera à l’avantage du porteur de billet, car la 101 abolit le cours forcé. Le billet de banque ne jouira plus que du cours légal, et il sera, .désor mais, remboursable en or. Là est l’équivoque. De quel remboursement en or s’agit-il ? Le remboursement doit avoir lieu en or; du moins, c’est le .principe proclamé. Seulement, contré un billet de 100 francs,, la somme re mise en échange par l’établissement émetteur aura lété comptée; etirpayée en francs or fin nouveau régime, c’est-à-dire en francs réduits dès quatre cinquièmes de la valeur de; l’ancien franc. . ' . ' ' , Telle est l’opération qui a pris le nom de « stabilisation de la monnaie ». Le. franc,, étalon des valeurs, fixé légalement à 20 centimes, voilà le fait brutal. On avait pu espérer mieux. Même, il fut un moment où là baissé du franc papier s’atténuait jusqu’à faire place à une hausse importante : et le retour de M. Raymond Poincaré au pouvoir avait ra mené si heureusement la confiance, que le franc papier se*releva rapidement de 10 cen times a 20. centimes, en gain de 100 pour 100. Mais; cette revalorisation naturelle paraissait devoir s’accentuer, et une partie dé l’opinion s’en émut. De même que la chute du franc papier avait suscité maints troubles des prix, un relève ment trop brusque risquait d’en provoquer d’autres, en sens inverse. Sous l’influence .d’une confiance restaurée', jusqu’-où irait,...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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