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Le Temps, 26 mai 1889

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Le Temps
26 mai 1889


Extrait du journal

Nous donnons plus loin le compte rendu de la réunion tenue hier soir chez Lemardelay par les « représentants du commerce parisien ». On annon çait une séance fort orageuse; l’exaspération dos industriels lésés par 1 Exposition était., disait-on, à son comble ! On Verrait à quelles mesures extrêmes ils étaient réduits par une concurrence désastreuse ! Nous éprouvions, il faut l’avouer, quelque inquié tude : jusqu’à présent, les rieurs n’avaient pas été précisément du côté des meneurs de cette campagne inattendue : nos commerçants parisiens allaientils infliger un démenti public à leur vieille réputation de bon sens aimable, ennemi de toute exagération et de tout ridicule ? Fort heu reusement, les prophètes de malheur en ont été pour leurs prédictions menaçantes : et les braves gens assemblés hier rue Richelieu ont prouvé qu’ils ne se sentaient aucune envie de commettre les sotti ses auxquelles les poussaient quelques-uns de leurs soi-disant . amis.. Personne ri’a osé reprendre l’idée saugrenue de fermer l’Exposition le soir et d’éteindre ses lampions: on ne songe même plus à protester .contre les fêtes diurnes ou nocturnes qui seront données là-bàs, aû'bout du monde; on demande seulement qu’elles ne soient ni trop nombreuses ni trop éclatantes; on a même compris qu’il ne fallait pas insister sur ce vœu, d’ailleurs assezfanodin, et on en a formulé un autre beaucoup plus louable. Puisqu’on s’amuse tant au Champ de Mars, pourquoi ne pas essayer de se divertir ailleurs : pourquoi ne pas mul tiplier de belles réjouissances sur différents points de Paris ? On organisera ainsi la concurrence du plaisir et de la gaieté. Au lieu de se morfondre en protestations aussi aigres que vaines, on tâchera d’opposer mer veilles à merveilles et séductions à séductions ; la foule n’aura plus que l’embarras du choix ; comme elle est déjà immense et qu’elle grossit chaque jour, il est probable qu’elle se portera sur tous les côtés à la fois ; ainsi chacun sera content, et cette joyeuse émulation rendra Paris encore plus étincelant : Pari siens, provinciaux et étrangers y trouveront doncen même temps leur compte. A la bonne heure ! Il eût été trop humiliant, en vérité, de voir se prolonger une agitation aussi peu raisonnable. Comment ! Paris vient d'inaugurer une Exposition qui, de l’aveu des plus prévenus, dépasse en splendeurs tout ce qu’on avait vu jus qu’alors ; on sait que son prestigieux attrait doit amener chez nous des visiteurs de toutes les con trées; nous nous rép’tons avec orgueil que toutes les places des paquebots et des trains spéciaux sont retenues d’avance, et pour des mois ! C’est un succès colossal et fantastique ! Voici, maintenant que les nouveaux arrivés débarquent : ils veulent naturellement se rendre d’abord au lieu de la grande fête : « Halte-là! s’écrient en chœur limona diers et restaurateurs : nous vous avons van té notre Exposition' pour, vous attirer dans no tre ville, mais nous vous défendons bien d’yaller ! Laissez le Champ de Mars, la tour Eiffel et toutes ces bruyantes machines : votre de voir est de vous installer sur le boulevard, d’en trer dans nos théâtres où l’on vous a rapiécé de vieux succès usés jusqu’à la corde ; si vous désirez une promenade, nous autorisons à la rigueur une visite au Luxembourg ou bien aux buttes Chau mont; mais quant à franchir le pont de la Con corde, quant à pénétrer dans l’enceinte maudite, n’y songez pas ! Abandonnez ce lieu de perdition aux indigènes de Grenelle et de Passy ! » S’ils avaient entendu plus longtemps ce langage baro que, soyez sûr que nos visiteurs seraient partis avec une singulière idée du pays de Rabelais, de Molière et de Voltaire : nos industriels, gens de sens et d’esprit, ont compris qu’il fallait mettre un terme à la plaisanterie : ils nous en voudraient cer tainement de les féliciter outre mesure....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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