Extrait du journal

donct... Tu pleures comme une bête sans rien dire... — De tout cela, Dubost, répliqua le comman dant, prenant tout à coup son courage à deux mains, je pense, puisque tu insistes pour avoir mon sentiment, que, si j’avais une nièce comme la tienne, je l’aurais prise entre mes bras, je l’aurais serrée sur mon cœur et je lui aurais dit en l’embrassant : « Chère, chère! Créature... exquise !... Cœur généreux... chère fille 1... » — Ah! fit le colonel, surpris et un peu inter loqué. Alors, tu es contre moi, toi aussi?.. Bon soir ! Et, tournant brusquement le dos à son ami, il s’élança dans une rue transversale et disparut dans la nuit. VIII Le colonel passa la nuit sans dormir. Il re constituait la scène où il avait joué un rôle si piteux. Il se répétait les paroles de sa nièce. Il là voyait debout devant lui, avec sa taille svelte et cambrée, son front pur, sa lèvre frémissante, ses yeux rivés sur les siens, sans crainte comme sans forfanterie. Il sè remémorait son attitude pleine de dignité ; elle ne l’avait .point bravé: elle avait simplement défendu sa mère et sa sœur attaquées par lui. « Gréminet a peut-être raison ! » pensait-il. Mais non, il ne pouvait pas digérer ces mots de Gertrude : « Je suis ma jeure, libre de disposer de ce qui m’appar tient. » Au fond du cœur il ressentait pourtant comme un remords de son attitude agressive, et il se vengeait en mettant toute la faute sur « l’in truse » qui avait tué son frère et contre laquelle il était de plus en plus irrité. Il se raccommoda peu après avec Gréminet. On ne brise pas pour ua mot, pour une passa gère divergence d’opinion, une amitié de trente ans, cimentée par les hasards et les accidents de la vie militaire partagés, par les services rendus de part et d’autre. Au fond il avait même conçu une plus haute estime pour son ami de ce qu’il...