Extrait du journal
AMOURS-PROPRES INTERNATIONAUX - La lettre de l’amiral Seymour, que nous avons toubliée hier, n’aura pas manqué d’attirer l'at tention. Cet hommage aux marins français va droit au cœur de la nation, d’abord parce qu’il est mérité, ensuite parce qu’il émane d’un ami ral anglais, enfin — la&t but not leasl — parce qu’il vient à son heure. On remarquait, en effet, dans les nombreuses dépêches anglaises qui nous sont parvenues du Tchi-Li, comme un parti pris d’ignorer le rôle des troupes françaises dans l’Extrême-Orient, Le public ignorant la source des nouvelles, et certains nouvellistes intéressés à la paraître ignorer, s’excitaient de voir les Anglais partout et nos soldats nulle part. Expliquer? — A quoi bon ? Des deux côtés de la Manche, il est de grands inquisiteurs devant qui s’expliquer équi vaut à, s’excuser. Fleet Street vaut, à cet égard, la rue du Croissant. Heureusement, l’amiral Seymour est venu tout remettre au point, et l’on ne peut que s’en féliciter. 11 l’a fait avec la dignité chevaleresque qui sied à son nom, à son caractère, enfin à la sympathie pour la nation française dont témoi gne son passé. L’amiral Seymour, alors âgé de .quinze ans, fit ses premières armes en Crimée comme midshipman, côte à côte avec des Fran çais. Il prit part aux bombardements d’Odessa, de Sébastopol et de Kerburn. Encore avec les Français, il fit toute la guerre de Chine, entre 1857 et 1860. Il a déjà pris une fois Canton en -1857, et une fois les forts du Peï-Ho en 1858. Ainsi mêlé toute sa vie à nos armes, l’amiral Seymour était plus enclin et plus autorisé que ersonne à leur rendre hommage. Il faut souaiter que sa lettre ait, comme il l’espérait, pour résultat de «resserrer les liens d’amitié qui unissent la France à l’Angleterre ». Ce ne sera point inutile. Il y a, en ce moment, une véritable débauche d’imaginations anglaises. Nous disions l’autre jour quelles inepties inventent les journaux de M. Chamberlain pour faire croire que la France prépare une guerre contre l’Angleterre. Les gens bien informés ne font qu’en sourire. Mais nous n’imaginons pas, à Paris, avec quelle anxiété ces informations sont accueillies dans les provinces anglaises. Il ne faut pas l’oublier, l’opinion britannique est énervée par une longue guerre. Elle voit maintenant le danger partout, même chez nous. C’est bien embarrassant. Car, enfin, nous ne pouvons nous donner le ridicule de démentir avec un grand sérieux, les contes de nurseries qui circulent outre-Manche. Pour les Anglais bien informés, ce serait même un procédé humiliant, trop semblable à ces com plaisances qu’on a pour des malades. «Tu jures qu’il n’y a pas un ogre derrière les rideaux? di rait le jeune fiévreux. — Je jure’, répondit le bon voisin après avoir gravement fouillé la ruelle du regard. » On dirait un extrait des contes de miss Edgeworth pour les tout petits. Le malheur est que certains incident», en d’autres temps sans importance, prennent, avec ces dispositions d’esprit, un sens plein de me naces. Il paraît que les affaires des commerçants anglais du Congo ne vont plus. Nos concession naires leur feraient une concurrence déloyale. Il n’est pas mauvais d’être un peu sceptique à l’en droit de ces plaintes de marchands. Mais enfin, si la loi est violée à leurs dépens, la répression ne se fera certainement pas attendre, et ce ne sera que justice. Mais quels cris, déjà, dans la presse anglaise ! Il est bien inutile de s’effarer pour de telles misères. Mais il vaut mieux, dans les circon stances présentes, en prévenir le retour. II ne faudrait pas beaucoup de manifestations comme la lettre de l’amiral Seymour pour les faire ou blier, d’ailleurs. Il est,, à nos côtés, un petit pays qui vient de subir une bien plus cruelle blessure d’amourpropre, s’il faut en croire des informations vrai semblables, quoique sans caractère officiel; c’est sur intervention allemande que la légion de vo lontaires belges formée pour la Chine aurait été dissoute. La nécessité de cette création n’était pas très pressante, et l’on pouvait, à la rigueur, en discuter la légitimité. Mais personne ne s’était avisé d’aller chercher querelle à la Bel gique. Si le veto allemand, délivré comme par un bureaucrate qu’on dérange, est venu blesser •Ju vif une des nations qui ont le plus fait en Chine et le plus souffert, le bureaucrate payera...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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