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Le Temps, 27 mars 1886

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Le Temps
27 mars 1886


Extrait du journal

tait transformé si complètement sous l’influen ce de la colère que ce visage, habituellement doucereux, placide et tranquille, semblait être devenu l’épreuve négative de lui-même : tous les blancs ressortaient en noir. Certains regards échappés à une femme inoffensive et douce en temps ordinaire sont, comme une empreinte de griffes trouvée sur le sable rose d’une forêt de Ceylan. Continuez la promenade, si le cœur vous en dit, mais n’allez pas trop loin et, au premier buisson qui vous barre la route, tenez-vous en garde. Le bal du Casin Grec fut superbe, selon l’ha bitude, et Maurice, tout Parisien qu’il était, dut convenir qu’à Smyrne on faisait bien les cho ses. L’éclairage était éblouissant, l’orchestre nombreux, le buffet pantagruélique. Peut-être les salles immenses, décorées seulement de glaces énormes et d’un froid alignement de banquettes, paraissaient-elles un peu nues, mais les toilettes ne manquaient pas d’élé gance. Tandis que les jeunes filles, dans leurs frais atours de tarlatane et de mousseline, glis saient aux accords des valses comme ces nuages diaprés que pousse la brise du soir, les mères, couvertes de bijoux massifs, immobiles dans le velours et le brocart de leurs robes, trônaient ainsi que des statues dans leur beauté majes tueuse. Mais ce qui donnait à la fête un éclat par ticulier, c’était la foule des officiers portant les uniformes de toutes les marines de l’Europe. Et quels danseurs! Les deux choses que préfère le marin, le marin français surtout, sont l’équi tation et la danse, parce qu’il y trouve l’idéal de deux impossibilités réalisées : la terre fer me et la femme. Maurice Villeféron était Parisien, et l’on ne danse plus guère, à Paris, à vingt-cinq. ans. De plus, il était paresseux comme un Turc et fuyait la fatigue des présentations nouvelles. Il ne valsa que trois fois, et toujours avec Ma demoiselle Léonidis, qui, d’ailleurs, y mit quel que bonne volonté. Pauvre fille ! cette nuit fut un rêve pour elle. Le mouvement, la musique, ses longs aban dons aux bras d’un joli garçon sachant dire correctement les phrases que le bal autorise, ses excursions au buffet, quelques verres de champagne vidés à demi, c’était plus qu’il n’en fallait pour qu’elle crût faire sa partie dans un duo d’amour, tandis qu’elle ne jouait qu’un mo nologue. Le retour à la maison de la rue des Roses l’acheva. • :...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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