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Le Temps, 28 mai 1900

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Le Temps
28 mai 1900


Extrait du journal

RADICAUX ET SOCIALISTES 7 Tous les groupes, socialistes qui. adhèrent au Comité général du parti ont signé le manifeste qui convoque le peuple à célébrer aujourd’hui, 27 mai, les souvenirs de la Commune. Le texte de ce document n’a rien de bien original. Nous l’avons publié l’autre jour. Il signifie que le parti socialiste révolutionnaire n’a, malgré l’amnistie, rien oublié. Bien mieux : il n’amnistie personne, quelles que soient les apparences du moment. Il se souvient toujours, et il saisit l’occasion d’indiquer qu’il est tout prêt à recommencer. Ce qu’il y a de plus curieux et de plus intéres sant, dans le manifeste en question, ce sont les signatures. On y remarque les noms de tous les députés socialistes de la Chambre. M. Viviani en est, comme aussi M. Fournière, comme aussi M. Rouanet. On croyait que ces socialistes avaient fait une certaine évolution. Ils étaient les politiques de leur parti. Us ne semblaient plus avoir de répugnance pour l’idée gouverne mentale (à la condition de gouverner eux-mê mes) ni pour l’ordre établi (à la condition d’y être eux-mêmes installés). Bref, ils paraissaient avoir jeté leur gourme révolutionnaire. Eh bien, il faut-renoncer à l’idée fausse qu’on avait trop légèrement conçue à propos des so cialistes parlementaires. Ils ne sont pas autant apprivoisés qu’on l’espérait. On ne peut pas, sans danger, joüer avec eux : leurs griffes ne sont pas rognées. La vue, la seule vue d’un calendrier épitÇjséride, suffit à transformer en tigres ces moutons qui bêlaient les revendications populai res après les avoir longtemps rugies. Une simple date les ramène à trente ans en arrière, par delà toutes les combinaisons aimables où, depuis lors, le ressort de leur intransigeance s’était graissé ou détendu. Les voilà, par exemple, qui vont célé brer aujourd’hui les souvenirs de la Commune, c’est-à-dire l’insurrection, la violence, l’incendie de l’Hôtel de Ville et le massacre des otages. Car la révolution du 18 Mars, elle aussi, est un « bloc ». Que diable M. Viviani va-t-il faire au tour de ce bloc-là ? Nous savons désormais qu’il ne faut pas se faire d’illusion. Depuis que le parti radical est mort —- par persuasion ou par suicide —nous étions portés à croire que le parti socialiste se coûtentait de remplacer le parti radical. Le parti socialiste avait l’air de chausser les souliers du mort ; et il était très vivant. Rien de très spécial ne le distinguait, d’ailleurs, de l’ancienne ex trême gauche. Il avait laissé la défroque révolu tionnaire à la porte d’entrée du Parlement... afin de ne pas y laisser l’espérance de gouver ner à son tour. Nous bâtissions, sur ce thème, • une idylle adorable. Il n’y faut plus songer. Les socialistes demeurent socialistes, c’est-à-dire ré volutionnaire. « Un duc sera toujours un duel » disait Marat. Du reste, M. Jaurès vient de publier, à pro pos, des élections municipales, un article dans lequel il établit nettement les différences de principes entre les socialistes et les radicaux. « Nous n’avons pas, dit-il, la même conception que les radicaux les plus démocrates. Us pen sent que le seul développement politique de la démocratie, complété par certaines lois de pro tection ouvrière et de solidarité, peut, avec le système actuel de propriété, résoudre le pro blème social et réaliser parmi les hommes une suffisante égalité. Nous pensons nous que la forme capitaliste de la propriété est devenue un obstacle décisif à la justice et au progrès... » En un mot, le caractère distinctif du socialisme, c’est dë réclamer 1’ « expropriation sociale de la classe capitaliste au profit de la communauté ». C’est un programme très net et très clair. Il ne permet pas aux socialistes de se confondre avec les radicaux. Et npus ne pouvons plus nous y méprendre. Le parti socialiste se réclame de la Commune et tend à supprimer la propriété pour établir le régime collectiviste. Il est donc et veut rester un parti révolutionnaire. II l’avoue, il s’en vante. Il serait au moins naïf de ne pas tenir compte de ce bon avertissement!...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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