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Le Temps, 30 août 1900

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Le Temps
30 août 1900


Extrait du journal

au gouvernement, nommé par le gouvernement, rétribué par le gouvernement, soumis aux or dres du gouvernement, peut-il être l’adversaire du gouyernemént qui le'homme, le rétribue et le commande? Une pareille situation est-elle normale ? Est-elle compatible avec la dignité du fonctionnaire ainsi transformé en une sorte de maître Jacques de comédie? Est-elle conforme aux conditions du bon ordre administratif, aux intérêts du public à qui ce bon ordre est indis: pensable? Est-elle seulement intelligible pour la masse des esprits simples ou tout bonne ment droits? Le peuple peut-il comprendre qu’un ministre ou un préfet soient à la fois les chefs diun fonctionnaire parce que fonction naire, et pourtant soient responsables devant ce même fonctionnaire parce que maire, con seiller général ou député? Un professeur pour rait-il interpeller l'après-midi, a la tribune de la Chambre, son ministre sur les instructions qu’il serait contraint d’exécuter le matin dans sa classe ? On voit à quelles absurdités mènerait ce dua lisme.' Comment y parer? La solution héroïque serait d’imposer a tous les fonctionnaires la neu tralité obligatoire et absolue de l’armée. Per sonne, certes, ne souhaite d’être réduit à cette opération chirurgicale. Les fonctionnaires tien nent, avec raison, à leur liberté, et le bien pu blic, le progrès général est intéressé à profiter de leur activité dans toutes les branches du tra vail de l'esprit humain. Faute d’une règle abso lue et brutale, il faut donc s’arranger d’expé dients amiables. Et pour cela il faut, comme on dit, que chacun y mette du sien. ' D’abord, c’est aux journaux politiques de ne point envenimer les choses. Quand un profes seur nationaliste est mis en non-activité, les journaux nationalistes fulminent. Les journaux socialistes jettent feu et flamme lorsqu’un pro cesseur socialiste est invité à choisir entre sa classe et son mandat politique. Et chacun des deux partis trouve, toujours l’autre trop lÿen partagé, appelle les foudres de l’administra tion sur le voisin. « Quoi 1 s’écriait hier encore le Radical, un congé est accordé à M. Dausset I Les nationalistes de l’Université vont donc pouvoir insulter librement la République 1 » Et, parce qu’il a accordé un autre congé à M. Villandet, socialiste, l’éminent philosophe qui depuis bien des années dirige avec tant de compétence et d’impartialité l’enseignement se condaire était accusé par la Petite République de pactiser avec la réaction ! C’est aux professeurs eux-mêmes qu’incombe le devoir essentiel. C’est à eux qu’il appartient de comprendre que leur tâche professionnelle s’accommode mal d’une intrusion bruyante dans la politique d’opposition; qu’ils sont morale ment obligés de savoir gré à la République de la grande liberté qu’elle leur accorde, qui est si nouvelle pour eux ou qui, du moins, apparaît telle à ceux.qui ont connu l’empire; que le meilleur témoignage de la reconnaissance qu’ils doivent avoir de cette liberté consiste à n’en point,abuser et à n’en user qu’avec discrétion; enfin, qu’en entrant volontairement dans l’Uni versité ils se sont, implicitement engagés à servir de leur mieux ces intérêts auxquels rien n’est plus contraire, à cause de l’effet pro duit sur les familles, que la transformation des professeurs en politiciens militants. Notre pays, c’est un fait, est politiquement divisé. Jamais un père de famille ne confiera sans répugnance son enfant à un professeur combattant au grand jour, pour une opinion différente de la sienne. A la rigueur, il importe peu qu’un pont soit construit ou un port creusé par un adversaire politique. Mais les familles ne croiront pas qu’un professeur puisse laisser, en arrivant au ■ lycée, ses doctrines au vestiaire. L’Université, cent fois plus que n’importe quelle autre admi nistration, est contrainte à garder soigneuse ment la neutralité. C’est pour elle une question de vie ou. de mort. Il suffira certainement de s’adresser à la bonne volonté, au dévouement du corps enseignant, pour qu’il enraye le mou vement qui a détourné en ces derniers temps quelques-uns de ses membres vers la politique de combat et pour qu’il revienne tout entier à ses anciennes traditions de réserve et d'abnégation. ' 4 :■“—; ENQUÊTES ÉCONOMIQUES La Belgique économique en 1900 Le marché financier de Bruxelles. — Exagération, de la spéculation. — L’avenir de l’industrie belge, *- Les concurrences d’Anvers, -r- Conclusion. On peut se demander si le grand développement économique de la Belgique est en passe de conser ver l’intensité qui résulte actuellement de tous les progrès réalisés dans les diverses branches de son activité. Sans vouloir jouer au prophète, il est permis de faire observer déjà que la période de moindre acti vité économique dont on peut entrevoir la venue prochaine aura-pour effet de déterminer une crise in dustrielle et commerciale à laquelle pourrait aussi se joindre une crise financière. Toutes .les entreprises extérieures, tramways, Russie, Congo et Chine, ont motivé des déplace ments considérables de capitaux. Nous avons si-gnalê l’effet de ces déplacements dans la valeur des propriétés agricoles, quia baissé si sensiblement depuis vingt ans. D’autre part, les valeurs mobiliè res à revenu fixe ont été quelque peu délaissées pour les valeurs industrielles et commerciales. Ce fait n’est pas propre à la Belgique, puisqu’il s’est produit avec moins d’ampleur en France, mais aussi, avec plus de force peut-être, en Allemagne. Or, les espérances merveilleuses basées sur les ex cellents résultats financiers obtenus dans les pre*...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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