Extrait du journal

. LA THÈSE DE M. BUFFET M. André Buffet a pris la parole, hier, devant la Haute Cour. Nous ne disons pas qu’il ait plaidé pour lui-même. Il aurait plutôt plaidé contre lui. Depuis le commencement des au diences de la Haute Cour, M. André Buffet a gardé une attitude fière et sans faiblesse. Il n’a pas, comme d’autres, tenté d’atténuer ses res ponsabilités de chef de parti. Les juges de la Haute Cour le condamneront peut-être; mais les sénateurs, anciens collègues de son père, se ront heureux qu’un nom qui honore notre his toire parlementaire soit courageusement conti nué et porté. Si nous nous occupons des paroles de M. An dré Buffet, c’est précisément qu’elles ne res semblent en aucune manière aux explications d’un accusé. Nous n’aurions pas l’inconvenance d’intervenir entre l’accusé et ses juges, surtout à l’heure où nous sommes. C’est M. André Buf fet, représentant de M. le duc d’Orléans qui nous occupe. Les actes qui lui sont reprochés échappent à notre compétence. Sa thèse relève de notre examen. Et d’ailleurs, M. André Buf fet l’a formulée dans l’espérance qu’elle serait parlé comme s’il était libre. Nous répondons à son dessein en discutant avec lui comme s’il était libre. Une contradiction nous surprend tout d’a bord dans le discours de M. André Buffet. Il a répudié, dès le début, la haine des personnes. Il a rappelé les phases un peu vives de la lutte que les républicains ont poursuivie autrefois contre son père. Peut-être n’a-t-il pas assez compris qu’il y a vingt-cinq ans nos amis étaient excu sables de fêter la chute électorale d’un homme d’Etat redoutable à notre cause. Peut-être a-t-il manqué de dévotion filiale en nous accusant de fureur. Eh quoi! les souvenirs de la démission de M. Thiers, de cette nuit du 24 Mai, où M. Buffet père joua un rôle si décisif et préci pita les événements avec tant de désinvolture, tous ces points de l’histoire contemporaine sont-ils si peu présents à la mémoire de M. An dré Buffet qu’il ne puisse avoir une indulgence — mêlée d’orgueil — pour les cris de victoire que nous avions le droit de pousser au lende main du 20 février 1876 ? La République, si fé rocement combattue alors, l’échappait belle. Elle terrassait son principal adversaire. Le triomphe bruyant n’était pas insultant pour le vaincu ; au contraire. Si donc M. André Buffet répudie la haine personnelle (tout en choisissant fort mal ses exemples), comment peut-il adhérer si nette ment à l’antisémitisme, qui n’est pas autre chose qu’une manifestation de haine et d’envie contre les personnes ? Et non seulement M. André Buffet se contredit, mais encore il nous...