PRÉCÉDENT

Le Temps, 30 mars 1894

SUIVANT

URL invalide

Le Temps
30 mars 1894


Extrait du journal

dales signalés, » a dit un autre conseiller. Cela 1 est fort probable, en effet. « A la concurrence, » ajoute le directeur de l’Assistance publique. Que faut-il entendre par là. Si l’honorable fonc tionnaire a voulu désigner les associations pri vées, par exemple les sociétés d’assistance par le travail, on ne peut souhaiter qu’une chose : c’est qu’il ait entièrement raison, et que l’argent des personnes bienfaisantes, au lieu d'aller à une administration qui laisse tant à désirer, aille à des institutions où il est infiniment mieux dépensé, et où il produit une somme d’utilité sociale et morale beaucoup plus considérable. Dans la. même séance du Conseil, un rapport de M. Bompard sur la distribution des secours à domicile devait venir en discussion ; mais ce rapport, distribué le jour même, n’avait pas encore été lu de la plupart des conseillers. On en a donc renvoyé la discussion à la séance sui vante. Nous avons ce rapport sous les yeux. Il est fort intéressant, rédigé avec beaucoup de soin par un homme qui s’est fait une spécialité des questions d’assistance et qui les traite dans un excellent esprit. Si les diverses propositions à l’examen desquelles il est consacré sont rati fiées par le Conseil, il faudra reconnaître que de notables améliorations auront été apportées à la gestion de cette fortune qui est le budget de la charité parisienne et à l’accomplissement de cette fonction sociale d’assistance et de lutte contre la misère dont les meilleurs citoyens sont de plus en plus et très justement préoc cupés. Le projet de réorganisation du service des secours élaboré par le conseil supérieur de l’assistanca publique, soumis au Conseil munici pal et sur lequel M. Bompard a fait le rapport qui nous occupe, touche successivement : à l’organisation générale des services ; à celle des bureaux d’arrondissement, aux catégories des personnes secourues, aux malades. Sur tous ces ; points, des innovations importantes, et dont la ; plupart paraissent pleines de promesses, vont être réalisées, si le Conseil municipal les ratifie — et il les ratifiera, puisqu’il les a lui-même ré clamées et que le projet soumis à sa délibéra tion ne fait que répondre à un vœu par lui for mulé. Quelques réformes plus frappantes que les au tres méritent d’être particulièrement' signalées. Ainsi,celle qui concerne la distribution des se cours. Le rapporteur s’arrête à une formule qu’il emprunte à M. Fleury-Ravarin. « Centralisation des ressources et du contrôle ; décentralisation de l’emploi. » Pour l’emploi, les bureaux d’arron dissement sont donc maintenus, sous le nom de bureaux d’assistance. Mais ils sont modifiés dans leur composition : les représentants élus de la population en feront partie, les adminis trateurs seront autrement recrutés, ils seront en plus grand nombre ; enfin, les services mê mes seront mieux, organisés. Croirait-on qu’à Paris 253 administrateurs ont à distribuer les se cours publics à plus de 121,000‘indigents, tan dis qu’à Berlin il y a 2,045 fonctionnaires pour ce service ? « On n’admet pas, en Allemagne, dit le rapport, qu’un administrateur puisse avoir sous son action immédiate plus de 4 indigents à Altona et à Elberfeld, de 8 à Brême, de 20 à Berlin. Il doit les visiter tous les 14 jours et faire un rapport sur les événements qui sur viennent dans la famille de l’assisté. » Ainsi con çue, l’Assistance publique se rapproche des con ditions où fonctionne l’assistance par l’initiative privée. Si le Conseil municipal réussit à bien recruter son personnel d’administrateurs, si les femmes se prêtent à devenir dames patronnessao. aijnême administrateurs, comme on le leur demande, le progrès sera considérable. II le sera d’autant plus que des mesures nou velles sont proposées pour assurer la sincérité de l’enquête et qu’il est stipulé que tous les se cours devront être portés au domicile de l’indi gent. C’est là un point essentiel. Si l’on ajoute que les « secours en travail » sont recommandés de préférence aux secours en argent et qu’il est également recommandé que les secours « soient rares, importants, délivrés à la femme plutôt qu’au mari », on aura une idée fort incomplète encore des remaniements qu’il est question d’opérer et de l’esprit dans lequel ils ont été conçus par le conseil supérieur de l’Assistance publique. Il reste à souhaiter, comme le dit très juste ment le rapporteur, que la population elle-mê me prenne sa part à l’œuvre générale d’assis tance des malheureux. La loi allemande rend obligatoires les fonctions de distributeurs des secours publics : ni le conseil supérieur d’as sistance, ni le rapporteur du conseil municipal n’osent aller jusque-là; mais ce dernier recon naît que, pour donner aux réformes proposées tout leur effet, les bureaux d’assistance devront, « déployant la même ardeur que les sociétés privées de bienfaisance, s’adresser à la popula tion, lui montrer 1a grandeur de leur rôle, l’in téresser à leur œuvre, l’émouvoir, faire appel à son dévouement ». Excellentes paroles, et très utiles à prononcer. Paris si généreux, Paris qui secourt sur 100 indigents plus de 75 originaires de la province, Paris qui, en 1885, sur les 28 millions de dépenses communales d’assistance faites par la France entière, en a payé, à lui seul, 23 millions, Paris doit s’intéresser en quel que sorte personnellement à l’assistance. Tout ce qui, par conséquent, diminuera l’automatis me et le machinisme de ses services, tout ce qui tendra à y élargir la part du bon vouloir indivi duel, de l’effort, de l’âme, tout cela sera excel lent. Le rapport dont nous venons de parler porte sur nombre d’autres questions : nous n’a vons voulu en détacher que celles qui s’inspi rent de ces sentiments...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

En savoir plus
Données de classification
  • beernaert
  • balat
  • kossuth
  • de burlet
  • mather
  • ruffy
  • bompard
  • lejeune
  • lagrange
  • malart
  • paris
  • berlin
  • sahara
  • algérie
  • tombouctou
  • france
  • budapest
  • vienne
  • allemagne
  • chambre
  • assistance publique
  • société pour la protection des animaux
  • union postale
  • département de la justice
  • conseil général