Extrait du journal
Le remerciement que je vous dois n'est pas ordinaire, non plus que l'honneur que vous m'avez fait. En m'accueillant dans votre compagnie, vous avez consacré mon adoption par la France. La France me fut toujours chère. Elle était la patrie de mon intelligence et de mon cœur. Je l'ai aimée dès le berceau. Sa langue est la première qui m'ait charmé par la voix maternelle. C'est à l'amour de ce noble langage, le plus beau qui, depuis Homère, eoit né sur des lèvres humaines, que je dois de siéger parmi vous. Grâce à vous, messieurs, et je ne vous en saurais trop remercier, je suis deux fois Français. Et ce n'est pas le poète seul qu'honore votre choix; l'honneur en rejaillit sur notre sœur latine l'Espagne, et, plus loin encore, jusqu'à ce nouveau monde que se sont disputé nos communs ancêtres, par delà l'Océan qui baigne l'île éclatante et lointaine où je suis né. Mais il n'est point de bonheur sans regret. Je ne retrouve plus auprès de moi le grand poète qui eût goûté une joie paternelle à me servir aujourd'hui de parrain, après avoir été si longtemps mon maître vénéré. Que le poète ami qui a bien voulu m'assister à son défaut excuse ce douloureux regret qu'il partage, que vous éprouvez tous, messieurs. Et je suis assuré que l'âme généreuse de l'honnête homme que je dois louer ne saurait être offensée par ce pieux hommage qui précède le récit de sa vie si noblement laborieuse et d'un si haut exemple. Dès les premières lignes du remarquable discours que, le 6 décembre 1883, il prononça devant vous, M. de Mazade, avec cette fière modestie qui lui seyait si bien, vous disait qu'il n'était qu'un soldat de l'armée littéraire. Quel vaillant et loyal soldat, ses états de service que nous allons parcourir vous le déclareront éloquemment. Il est mort à son poste, après avoir, plus d'un demi-siècle, combattu sans trêve pour la patrie, le droit et la liberté, laissant aux siens, plus riche encore, l'héritage d'honneur qu'il tenait de ses pères. De même que le corps, l'âme et l'esprit ont des marques d'origine. Tout homme porte en soi inconsciemment un passé séculaire. M. de Mazade était de bonne race. II sortait d'une de ces anciennes maisons bien famées dans leur province,dc noblesse plus vieille qu'illustre, où, suivant le hasard de la fortune et les besoins du temps, l'épée alternait avec la robe. On y compte des officiers, des commissaires et secrétaires royaux, des capitouls de Toulouse, des consuls de Montauban et, de pères en fils, trois ou quatre capitaines forestiers des forêts royales de Montech, Escataleds et Saint-Porquier. Ces Mazade de Languedoc furent braves soldats, grands chasseurs et magistrats intègres, se battirent contre ceux de la religion pour le roi et le pape, jugèrent selon la coutume, et, sans quitter leur pays, firent souche d'honnbtes gens. Ils étaient hommes d'action et ne semblent pas s'être embarrassés des choses de l'esprit. Pourtant, dès le dix-septième siècle, il en est un, Louis de Mazade, qui vint à Paris et fut surnommé le Philosophe, sans doute pour avoir décliné l'honneur de diriger l'éducation des enfants du duc d'Orléans, fils de Henri IV. Le premier de sa famiile, il mourut sans postérité et fut d'une académie, de l'Académie des jeux floraux....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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