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Le Temps, 7 septembre 1890

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Le Temps
7 septembre 1890


Extrait du journal

« Je ne suis pas capable de lutter morale ment contre cet homme, pensai-je. Il faut que ■ je le tue au plus vite, si je ne veux, pas qu’ilm’échappe ou qu’il me supprime. » Un instant après, je l’entendis au dehors qui, sifflait un de ses chiens. De la croisée ouverte je le vis s’éloigner vers la falaise. Il fumait un cigare, à lentes bouffées gourmandes. Au bout de quelques pas, il se retourna, m’aperçut, m’en voya un baiser. — Il est fou, me dis-je. Là peur et le remords ont détraqué son cerveau. Un instant après,je le comprenais mieux. Non, il n’était pas fou. C’est moi qu’il voulait affoler, au contraire, par des épreuves successives et contradictoires, pour faire jaillir au dehors, dans l’ébranlement, dans le désarroi de tout, mon être, la pensée dernière, consciente ou in consciente, que je lui dérobais. Je le revis au déjeuner; puis durant toute l’a près-midi, où il affecta de m’accompagner, de m’enjourer ; puis, en face de moi, à la table du dîner, devant ces plats trop nombreux, auxquels nous nous efforcions en vain de faire honneur, aussi peu affamés l’un que l’autre. Le soir, M. de Piral, pour s’éclairer, définiti vement, eut recours à un moyen abominable. Il voulut me suivre dans ma chambre à coucher. J’essayai de l’en dissuader avec une douceur légère. Je me prétendis souffrante. Il n’insista pas, mais je devinai qu’il comptait venir à l’improviste. — C’est lui-même, pensai-je, qui donnera le signal de sa mort. Je renonce à lui arracher le secret de mon père. Plutôt l’ignorer toujours que d’appartenir à cet homme encore une fois. Sous le traversin, je plaçai mon revolver. Mais l’idée me vint d’un stratagème capable de recu ler le dénouement. Sortant de mon lit, j’entrai dans mon cabinet de toilette. Je rallumai les bougies. Sous leur lumière, brillaient les outils d’écaille et d’acier d’une trousse à ongles. Je saisis une paire de ciseaux et, mè rappelant in volontairement la femme de Brutus, je me l’en fonçai comme elle vers le haut de la jambe. Le sang jaillit. J’enveloppai la blessure de linges... Mon mari vint, en effet, cette nuit-là, dans ma chambre, décidé, malgré ses façons, habituelles d’homme bien élevé, à voir la vraie portée et la ! vraie raison de ma résistance. Grâce à la mise j...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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