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L’Écho de la montagne, 5 avril 1890

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L’Écho de la montagne
5 avril 1890


Extrait du journal

Les journaux royalistes de cette se maine nous ont tenu au courant de la vie que le jeune duc d Orléans mène à Clairvaux. Vous savez que la comtesse de Paris, sa mère, a demandé et obtenu im médiatement un sauf-conduit pour aller voir son fils et le presser dans ses bras. Comme dans les bons vieux opéras comi ques, dans Richard Cœur de Lion par exemple, un hardi piqueur avec un cor enroulé autour du buste, s’était posté sur une montagne voisine du cachot où gémit le petit-fils de Henri IV et d’un certain nombre d'ancêtres allemands, et de là il faisait éclater des sonneries retentissantes chaque fois que dans la poussière de la plaine il voyait apparaître des piétons, des voitures ou des chevauchées de beaux cavaliers. C’était pour prévenir le duc, — au son du cor, — qu’il pouvait monter à sa tour et observer le va-et-vient des gens qui précède toujours l’arrivée des personnes royales. Enfin l’heure tant attendue est venue où on a signalé à l’horizon l’équipage de la comtesse-mère. J’emprunte ces détails au Gaulois qui est le Moniteur officiel de Clairvaux. Quelques instants après, il y avait dans la cellule du prisonnier une quinzaine de personnes, la comtesse de Paris, sa fille la princesse Hélène, le duc de Chartres, le colonel Perseval, M. Rocher, etc., etc. On manquait de chaises pour faire asseoir tout ce monde. Les sièges ont été laissés aux femmes, les hommes se sont tenus debout et la conversation a commencé. Une véritable soirée de l’hôtel Gai liera. C’était charmant. La comtesse émue, avec une larme au coin de l’œil. Le jeune duc fier et calme. M. Rocher, papelard et empressé. La princesse Hélène regardait curieusement tout ce mobilier cellulaire. Le duc de Chartres, tout à la fois familier et digne. On a ainsi passé une agréable après-midi, de une heure à cinq heures, heure à laquelle dans les prisons on cou che les petits ducs. Le directeur s’est alors présenté et très respectueusement, à son grand regret, il a annoncé que l’entretien ne pouvait durer plus longtemps. On s’est embrassé, on s’est salué, et voilà une journée finie. Le Gaulois qui raconte ce martyre de son Prince, termine son récit par un mot adorable, qui mérite vraiment d’être fixé sur les tablettes de l’Histoire : « Quelle soit la durée de sa peine, on « sait maintenant que Mgr le Duc d’Or léans supportera courageusement la Soli tude. » La Solitude! dans une prison qui ne désemplit pas et où les visiteurs se font annoncer de loin par des fanfares de cor ! Je trouve que ce mot est délicieux. Quinze visites par jour, cette solitude rappelle les souffrances de la Conciergerie attestées par des menus qui ont fait le tour de la presse. Décidément ce monde là n’a pas le sens de la prison. Il y aura très probablement des Mémoires de capti vité. Quel joli chapitre que celui qui com mencera ainsi : 25 mars. — J’étais seul avec dix-sept personnes. Le plus grand supplice des prisons, c’est cet isolement qui vous pèse plus que les lourdes murailles... * ★ * Je ne sais pas si les conventions inter nationales ont prévu le crime de musique flagrante parmi les cas d’extradition. Si elles l’ont prévu, nous demandons qu’on livre M. Camille Saint-Saêns à la justice de son pays. Il a fait un opéra. Et c’est un récidiviste des plus dangereux. Il faut qu’on nous le rende, s’il vous plait. Vou lez-vous nous le rendre ? Depuis huit jours, c’est une « question » pour la population parisienne. Qu’est devenu Saint-Saëns ? On est aile au mi nistère des affaires étrangères, le réclamer à M. Ribot. Par politesse, M. Ribot a té légraphié à Ratavia et aux Açores : « Avezvous vu Saint-Saëns ? » Je pense qu à Batavia et aux Açores on aura dû faire une jolie tête en recevant un pareil télé gramme. Ce qu’il y a de plus comique, c’est que Saint-Saëns passe pour fou....

À propos

L'Écho de la montagne fut un hebdomadaire publié à Saint-Claude entre 1877 et 1944. Il faisait suite à L'Hebdomadaire, lancé en 1827. Il s'agissait d'un journal qui publiait les annonces judiciaires, commerciales, ainsi que les actualités du canton du Jura. En 1946, le journal est ressuscité par Jean-Pierre Salvat et renommé Le Courrier. En 2009, Le Courrier fusionne avec L'Indépendant du Haut-Jura-Morez pour donner Le Courrier l'Indépendant, dont la publication est discontinue depuis 2011.

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